Le duo montréalais les Fiancés
Un album gratuit c’est toujours agréable, surtout lorsqu’il est bon. D’abord la voix, puis le son. C’est comme ça que je fonctionne. Nos deux fiancés ont chacun une voix tout à fait particulière, autant Samuel Gélinas (voix, guitare) me fait penser à un Jean Leloup jeune à la voix trainante alors que Joëlle Bissonnette (voix, accordéon) possède une voix plus douce, dans l’aigu aguichant. Leur voix se complètent d’une façon particulière, originale et agréable et c’est cette distinction qui les démarque. Loin de copier Alfa Rococo, le duo de l’heure, Les Fiancés arrivent avec leurs chansons d’amour sincères et poétiques. On a l’impression qu’ils viennent de France vu leur air et leur diction, mais c’est bien de Montréal que leur pop provient.
Pas trop de faiblesse sur une composition qui déborde d’une imagination amoureuse. Leur pop-folk légèrement rock m’a charmé dès la première écoute. Des chansons de qualités : Les gants blancs, Les beauxjours, Barcelona et Dans nos rêves. C’est tranquille et aguichant, folk mais pas trop propret et ça respire l’amour. Des paroles bien écrites et non avares de mots. Ça foisonne et resplendit.
« Joëlle s’intéresse aux nouvelles manières de vivre de la musique à l’ère d’Internet. Elle partage ses découvertes de groupes et d’entreprises qui font les choses autrement et qui inspirent le duo dans sa façon d’entrer en relation avec le public. »
Ils penchent déjà sur leur deuxième album, je leur pose quelques questions :
Alex : Depuis combien de temps vous jouez de la musique ensemble?
Samuel : J’ai commencé à écrire des chansons vers 2004, alors que j’étais au Cégep Saint-Laurent. C’est là qu’on s’est rencontrés, Joëlle [Bisonette] et moi. On a commencé à faire de la musique ensemble au début 2007. Joëlle voulait apprendre l’accordéon depuis longtemps, et elle l’a fait sur mes chansons. On avait tous les deux appris la musique classique à l’école secondaire, moi le violoncelle à Pierre-Laporte et Joëlle le violon à Joseph-François-Perreault. On est allés respectivement vers la guitare et l’accordéon pour faire de la pop.
Alex : Et vous avez sorti votre album éponyme Les Fiancés en mai 2011?
Samuel : Oui, exactement. On n’était pas prêts à faire carrière, mais on voulait aller plus loin qu’un démo ou un EP. Notre but n’est pas d’aller chercher un contrat de disque, ni de passer en radio. On veut juste que les chansons soient bien produites, qu’elles soient dignes d’éventuellement trouver leur public. L’album nous est apparu comme une bonne manière de jeter les bases du projet, de le mettre au monde en quelque sorte. On a plein de monde à remercier pour cela, notamment notre réalisateur Olivier Laroche et notre technicien Guillaume Briand, sans qui l’album n’aurait jamais été aussi bien fait. Maintenant, les gens avec lesquels on travaille peuvent participer plus intuitivement à notre démarche. Au lieu de leur expliquer où on s’en va, on peut simplement leur faire entendre la musique. L’album donne aussi une certaine légitimité à notre blogue.
Alex : C’est quoi le lien du groupe avec le blogue?
Samuel : La création et l’interprétation nous animent vraiment, mais on a aussi beaucoup de plaisir à trouver de nouveau moyens d’amener la musique aux oreilles du public. Il faut dire qu’on sort du bacc. en stratégies de production culturelle de l’UQÀM, et que Joëlle est rendue à la maîtrise en management au HEC, où elle s’intéresse aux industries créatives et à la numérisation de l’information. Le blogue nous permet de commenter l’actualité en lien avec la musique et de partager nos coups de cœur. Il constitue aussi un espace de réflexion au sujet des nouvelles manières de vivre de la musique, en admettant que le déclin des pratiques traditionnelles est inéluctable. Le blogue nous permet d’aller au-delà de la musique.
Alex : Donner votre album c’est votre vision de marketing en quelque sorte?
Samuel : L’album complet est disponible en streaming sur lesfiances.com, et tout le monde peut le télécharger gratuitement ou au prix désiré. Ce qui ne veut pas dire qu’on renonce pour autant à la propriété intellectuelle de nos chansons. Cet automne, par exemple, notre musique va jouer dans les avions Air Canada, dans les cafés Van Houtte du Québec et dans un certain nombre de bistrots indépendants. Nous faisons confiance à la SOCAN pour la perception des redevances, et nous sommes prêts à appuyer toutes les initiatives pour qu’un système de perception décent soit mis sur pied pour les utilisateurs de musique en ligne. Ceci étant, on tient à ce que notre album soit le plus accessible possible. On croit que la fonction des enregistrements musicaux a changé, que ceux-ci ne doivent plus nécessairement servir à générer des revenus, mais plutôt à bâtir une marque significative. Évidemment, cela implique une revalorisation du travail des artistes. Avec l’avènement des médias sociaux, le bouche-à-oreille prend des proportions sans précédent. La bonne musique accessible finit par rejoindre son public.
Alex : Et vous avez déjà un deuxième album en chantier?
Samuel : Oui, effectivement. Les chansons sont déjà prêtes. Mais on va prendre notre temps pour la production. On espère être encore mieux entourés cette fois-ci.
Alex : Et sans maison de disque? Est-ce que vous voulez en partir une vous-même?
Samuel : C’est certains qu’on prévoit entreprendre, ne serait-ce que pour être prêts quand les opportunités de travailler en musique à temps plein vont se préciser. La prochaine étape sera probablement de fonder un organisme à but non lucratif, dont la mission consistera à supporter la création de chansons originales. On a deux associés potentiels pour ce projet, une musicienne et un gérant. On aimerait aussi démarrer ou reprendre un jour une compagnie de musique à but lucratif, mais on a l’impression qu’il faudrait qu’elle soit intégrée à un ensemble plus grand pour être viable. Peut-être à une agence de communication. Notre seule certitude est qu’on n’a aucune idée de comment s’y prendre pour gagner notre vie en musique. En même temps, on cherche très sérieusement à créer des conditions favorables à l’emploi dans notre domaine, pour nous et pour ceux qui nous suivront. C’est un travail à long terme.
Alex : Est-ce que vous avez quelques spectacles de prévus prochainement?
Samuel : On en avait déjà fait deux avant l’album, mais c’était difficile. Peu de gens nous connaissaient à part la famille et les amis, et on n’était pas bien organisés. Il fallait s’occuper de tout et il ne nous restait plus beaucoup d’énergie au moment de performer. Présentement, on priorise le deuxième album. On veut développer un bon répertoire, qui soit accessible à tout le monde. Et continuer de bloguer. On verra bien par la suite.
Conclusion
La conversation s’est alors transposée sur les modèles d’affaires en musique, les options que peuvent offrir internet où les compagnies de communication, les labels coopératifs ou les modèles à financement. Chose certaine, Samuel Gélinas et Joëlle Bissonnette savent ce qu’ils veulent, même s’ils le cherchent encore. Ils veulent avant tout avoir un projet solide et donner de la qualité à leurs fans. Un groupe intéressant qui ira loin. À Suivre.