Wax Tailor au Festival Pantiero : « Wax Tailor devient une petite famille sur la route »

Wax Tailor au Festival Pantiero : « Wax Tailor devient une petite famille sur la route »

Troisième et dernière interview au Festival Pantiero 2007. Pour représenter le côté électronique du festival, voici Wax Tailor, le projet hip hop d’un jeune DJ français.

« Bonjour, moi c’est J.C., Wax Tailor ». Face à nous moins de deux heures avant son concert, qui ouvrait la deuxième soirée du Festival Pantiero à Cannes, J.C. paraissait encore serein. Deux heures plus tard, malgré le vent qui avait obligé à enlever l’écran central et son inquiétude pour le son, il réussissait à soulever l’enthousiasme du public. Il faut dire que depuis 2004, la musique de Wax Tailor n’a cessé de rencontrer un accueil très positif dans les médias, les radios puis sur scène. Son deuxième album, Hope and Sorrow, sorti en avril dernier ne devrait donc que confirmer ce succès. Alors que ces deux disques sont composés avec des interventions de chanteurs et de rappeurs différents, la tournée s’articule autour de quatre personnes sur scène. J.C. nous décortique les rouages de cette aventure scénique.

Bonjour. Pour commencer, comment présenterais-tu ta musique ?
Si on s’en tient aux étiquettes, ma musique est souvent classée dans un spectre qui va de l’absctract hip hop au trip hop. Mais pour moi ça reste du hip hop. Je n’ai pas de formation dite traditionnelle, le hip hop est la culture par laquelle je suis venu à la musique. Et puis me dire que ma musique va au-delà du hip hop, c’est avoir une vision cintrée du hip hop. La culture hip hop se nourrit de toutes les formes de musique alors que les gens ont tendance à réduire cette culture au rap et à la forme la plus basique du rap. Pour résumer, je dirais que je fais de la sampling music au sein de la culture hip hop.

Quelle sera la formation sur scène ce soir ?
Pour la musique électronique au sens large, le problème est de savoir comment on va la retranscrire dans un environnement de scène. Wax Tailor est un projet à double entrée. Il y a le projet studio et le projet sur scène. J’avais envie de retravailler les arrangements et d’impliquer d’autres protagonistes. L’idée c’était de réinventer l’album. Sur scène, je suis accompagné par Marina Quaisse au violoncelle, Marine Thibault à la flûte traversière et Charlotte Savary au chant. Et je suis aux machines, vidéo et platines. Pour ma musique, on fait souvent le parallèle avec le cinéma et paradoxalement j’étais assez frileux avec l’idée d’installer de la vidéo sur scène. J’avais peur de réduire le propos, de donner un axe de lecture alors que chacun a ses représentations. Finalement, j’ai considéré la vidéo comme une forme de scénographie, un moyen de proposer une sorte de décor mouvant.

De quel type de vidéos s’agit-il ?
Il s’agit de films qu’on a préparés. Techniquement, je gère seul le son et la vidéo. Donc on a créé une trame vidéo à partir d’un montage d’images, sur laquelle on a indexé du son. Quand je déclenche certains éléments sonores, ils lancent une vidéo. Pour la rentrée, on prépare un nouveau mode de vidéo. Ce soir, on a encore trois écrans mais ça s’apparente plutôt à un film projeté. A la rentrée, on va retirer les écrans latéraux et on travaillera avec quelqu’un sur la profondeur, sur le décor de scène. Ce sera beaucoup plus évolutif.

Musicalement, comment as-tu envisagé la transposition du disque sur scène ?
Les musiques électroniques, avec l’utilisation d’ordinateurs, de sampleurs, permettent d’ouvrir un champ très large en termes de spectre sonore, de travail de textures etc. On peut aller très loin dans la réalisation. Mais ma musique s’inscrit aussi dans une filiation pop au sens large, ça reste des chansons avec un format. Pour la reproduction scénique, j’avais deux schémas en tête. D’un côté la musique électronique au sens pur avec quelqu’un derrière son ordinateur. J’ai un peu de mal avec l’impression de réentendre le disque en concert, c’est peut-être pas ma culture. De l’autre, il y a le tout instrument. Parfois c’est très bien fait, comme chez Herbalizer avec qui on a tourné. Du coup, pourquoi le faire un peu moins bien ? Je pensais que c’était pertinent de garder la particularité de la production studio, avec toutes ces textures et de réfléchir à restructurer des titres, réécrire des arrangements et réinventer certaines parties avec les musiciennes. Moi, j’ai des éléments que je joue en direct, la violoncelliste a sa propre pédale de boucle ce qui lui permet de sampler en direct une première ligne mélodique puis de rejouer un deuxième arrangement Et pour travailler sur le son, on a racheté beaucoup de matériel vintage, des vieux préamplis, un peu comme si on voulait enregistrer un disque.

Comment les trois musiciennes se sont-elles intégrées au projet ?
Il y a trois ans, quand j’ai eu mes premières propositions de live, je commençais à travailler avec une violoncelliste et j’avais fait un titre avec Charlotte Savary. Il s’est trouvé qu’on avait une occasion sur un festival et on lui a proposé de venir faire un featuring puis la chose s’est répétée. J’aime bien le rythme que ça donne aujourd’hui. Wax Tailor en tournée, ça devient une petite famille sur la route. J’aime bien aussi l’idée qu’il n’y ait pas le chanteur devant et des gens derrière. On est dans une mise en scène un peu différente : Charlotte rentre sur un titre puis ressort, ça fait une ponctuation, un mouvement. Et à la rentrée, on va faire intervenir les rappeurs qui sont sur l’album. On sera sur quelque chose de très contrasté : d’un côté, l’énergie de deux rappeurs qui exploitent l’espace et de l’autre Charlotte qui, avec son charisme, se pose et n’a pas besoin de courir dans tous les sens.

Est-ce que Charlotte va à elle seule représenter toutes les voix féminines de l’album ?
Sur ce deuxième album, j’avais envie d’aller vers plus de titres vocaux. Charlotte y est plus présente, on a fait trois titres avec elle. Pour tous les autres guests vocaux, les voix féminines sans oublier The Others ou A State of Mind, on s’est parfois appuyé sur la vidéo. Sur deux titres, on a fait comme des petits clips en les filmant en condition, pour avoir une incarnation physique d’eux. Quant au titre que Sharon Jones chante sur l’album, on avait travaillé le texte avec Charlotte. Je lui avais alors demandé de faire une maquette pour présenter à Sharon Jones. Malgré la puissance dans le chant de Sharon Jones, j’aimais beaucoup la version de Charlotte, c’était autre chose. Donc on a retravaillé le titre pour la scène et comme l’univers de Charlotte est plutôt pop et confiné elle s’est risquée sur un terrain soul qui n’était pas le sien.

Tu viens de faire deux tournées en Amérique, l’une aux Etats-Unis et l’autre au Chili. Comment cela s’est-il passé ?
Dans les deux cas, c’était une super bonne expérience. Pour les Etats-Unis, c’était la deuxième fois que j’y allais. La première fois, j’étais en première partie de RJD2. L’album n’était pas encore sorti, c’était vraiment une première mise en jambes. Je pensais au départ qu’aux Etats-Unis, ils avaient une vision très orthodoxe du hip hop mais je me suis rendu compte qu’il y avait un public très ouvert, une génération qui écoute un peu de tout, comme en France. J’ai trouvé que l’accueil pouvait même être plus chaud qu’en France. Au mois de juin, on était cette fois en tête d’affiche et ça a été une super belle tournée, on a eu des dates où c’était complet comme à Seattle. Mais on n’a pas la même histoire qu’en France, c’est un peu plus frais. Le Chili c’est carrément autre chose. Ca n’entre pas du tout dans une logique de développement de marché. On a eu un accueil vraiment très bon mais en dehors de Santiago du Chili, on est allé dans des villes comme Valparaiso, Concepción où il y a un concert tous les 7 mois. Donc les gens sont forcément contents qu’il se passe quelque chose. Et on repart au Mexique dans 10 jours.

Quel type de salles faites-vous sur cette tournée ?
En ce moment, c’est la saison des festivals donc on fait beaucoup de plein air. C’est une contingence sonore différente et qu’on appréhende un petit peu. Tout à l’heure, pendant les balances, ça a été très dur à cause du vent. Et le son dépend beaucoup des festivals. On nous a aussi proposé des concerts dans une salle de cinéma. Au début, j’étais un peu dubitatif car ça n’est pas très corporel. Mais c’est plus cérébral, plus posé, avec une écoute différente et ça nous permet une autre attitude sur scène. On n’est pas dans la recherche d’énergie ou dans le petit côté démagogique de la scène : « Est-ce que vous êtes là ? Faites du bruit ! » Objectivement, il y a une satisfaction, un retour. Mais j’aime ce côté schizophrénique entre le rapport au studio et à la scène. En studio, on se retrouve enfermé tout seul pendant un certain temps, on finit par se demander si on n’est pas un peu chtarbé. Puis on se retrouve pendant des semaines face à plein de gens chaque soir et on finit par croire que c’est normal alors que ça ne l’est pas du tout. Cette énergie du public, cette réaction physique, c’est pas mauvais pour l’ego !

Merci et bon concert !

Wax Tailor, le site officiel
WaxTailor sur Myspace

Eric_M

En amateur de musique, Eric Maïolino est auteur-compositeur-interprète, joue de la guitare, pratique le théâtre et assiste à des concerts! (toutes ses chroniques ici)

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