Thomas Dutronc à Cannes : « Je ne fais pas du jazz manouche ! »

Thomas Dutronc par Yann OhranJeudi 26 septembre dernier, Thomas Dutronc était l’invité vedette de la deuxième soirée des Concerts de Septembre au Palais des Festivals de Cannes. Après une première partie excellente assurée par Les Enfants de Django, il arrivera sur scène en costume blanc portant une valise dont il nous fera découvrir les secrets tout au long de la soirée. Entre des reprises de morceaux instrumentaux et ses chansons qui sont déjà des tubes (face aux réservations, le spectacle a été déplacé dans la plus grande salle du Palais), Thomas et ses musiciens enchaînent des séances de mime derrière le rideau blanc avec des plaisanteries plus ou moins réussies. Le côté sympathique de l’affaire emporte l’adhésion du public même si Thomas parait parfois avoir enclenché le pilote automatique. La fatigue ? « J’ai pas dormi de la nuit ni de la journée » nous a-t-il dit l’après-midi en interview. Des travaux l’ont réveillé au petit matin dans le bus où dormait l’équipe arrivée de Gap et au moment de la sieste à l’hôtel : « Et sans la sieste, je ne suis plus rien ! » plaisante-t-il. En tout cas, même si son manager reste du coup pour lui servir d’aide mémoire, le jeune Dutronc est d’un abord très sympathique et le tutoiement s’impose.

Bonjour Thomas Dutronc. Peux-tu nous dire comment est né ce spectacle ?

Avant, j’avais un trio de guitares, déjà avec Jérôme Ciosi qui est sur scène ce soir. On faisait des festivals off de jazz, on a joué dans des prisons, des maisons de retraite, des bars, des clubs de jazz … Ensuite, j’ai accompagné Bireli Lagrène puis Ninine qui sont de grands manouches et j’ai monté d’autres petits groupes à moi à gauche à droite. Puis j’ai eu l’envie de faire un vrai spectacle musical et plus juste de l’instrumental avec trois chaises et un rideau noir. J’ai alors regroupé il y a deux ans quatre autres musiciens que j’avais rencontrés dans des bœufs, dans des clubs. Je les connaissais tous depuis très longtemps. On a une grande amitié, une grande complicité. On a créé notre spectacle en essayant d’y mettre notre originalité et on a commencé à tourner. A ce moment-là, il n’y avait pas de chansons mais on avait des petits sketchs dont certains sont encore là. On a fait le disque en même temps qu’on tournait et les chansons sont venues remplacer certains instrumentaux.

A part l’ajout des chansons, qu’est-ce qui a changé avec l’arrivée du disque ?

D’abord,  on a beaucoup plus de dates depuis le disque. Et ça a changé notre public. Avant le disque, on avait plutôt un public de 40-50 ans. Ensuite, avec des radios comme Virgin qui ont choisi de beaucoup jouer le disque, ça a énormément rajeuni et avec les festivals, aussi. Mais ça dépend beaucoup des salles.

Comment est construit le spectacle ?

On a essayé de créer un crescendo. On commence par trois morceaux acoustiques, assis, à l’ancienne. Puis on fait chanter les gens notamment sur un pot pourri avec du Mickaël Jackson. Puis vers le premier tiers du spectacle, il y a une cassure : on se lève, on prend la guitare électrique et on joue debout. Les chaises sur lesquelles on était assis sont renversées et les lampes qui sont en dessous donnent une atmosphère plus rock. On continue dans ce trip rock jusqu’aux Triplettes de Belleville où on fait tout un passage disco assez dansant. Et à la fin, après le rappel, on se refait un petit plan manouche acoustique mais c’est plus concentré qu’au début. On va plus dans la profondeur.

Et en dehors du disque, vous jouez quel répertoire ?

L’idée, c’est de donner le sentiment d’un partage, d’une soirée chaleureuse. Comme si on était à la maison et qu’on faisait un bœuf mais avec plein de styles différents, plein d’ambiances. Notre force c’est qu’on a chacun des univers différents. Du coup, ça fait des mélanges et on s’amuse à plein de styles. On est cinq sur scène : violon, batterie, guitares et guitare basse. Sans oublier la banane percu ! Chaque musicien est mis en avant selon les moments. Pierre Blanchard au violon est vraiment un virtuose. Jérôme Ciosi joue de la basse et fait de la guitare classique. Bertrand Papy aux guitares fait du brésilien et du jazz à la Benson, en chantant ce qu’il joue. Et Stéphane Chandelier à la batterie fait plein de styles. Moi, mon truc, c’est Django.

D’où te vient ce goût pour Djando Reinhardt ?

Quand on touche la guitare, Django fait partie des grand maîtres qui sont fascinants. J’essaye d’apprendre la musique par son intermédiaire mais c’est du boulot. Regardez la première partie : ils sont nés dedans. Dans des documents, on voit Samson à sept ans avec son père, il apprend déjà les chorus par cœur. Moi, j’ai pas eu cette chance, je me débrouille tout seul. C’est une musique qui est extraordinaire, qui est très belle mais attention, c’est un style qu’on recopie. Souvent on me dit : « vous faites du manouche » ou « Sanseverino fait du manouche ». Non : Sanseverino est un excellent chanteur, un excellent parolier, il fait de très belles chansons et il a une atmosphère musicale un peu manouche, c’est-à-dire des basses, des violons et des guitares qui font tchonk-tchonk, comme nous. Mais Django, y’en a qu’un ! C’était lui qui jouait si bien. C’est pas parce qu’on joue avec les mêmes instruments que lui qu’on fait du Django.

Donc tu ne dis pas que tu fais du jazz manouche ?

Non, je n’aime pas le côté sectaire d’un style de musique. Déjà, il faut que je me batte contre l’étiquette de « fils de » et maintenant celle de « jazz manouche ». Sur le disque, il y a deux chansons seulement qui sont du jazz manouche. Un morceau de mon album comme Les Frites, c’est pas du tout du jazz manouche. Sur scène, c’est un moment improvisé complètement dingue. Ca, c’est nous. Y’a une sorte de flou avec ça qui est pareil pour le jazz. Souvent, les gens trouvent que le jazz est chiant parce qu’ils ont pas vu le vrai Charlie Parker : ce qu’ils ont vu, ça ressemble mais c’est pas ça non plus. En fait, le jazz manouche, c’est ce qu’ils font en première partie : uniquement de l’instrumental. Et puis il faut être manouche pour faire du jazz manouche. Si vous voulez juste un morceau de Django, regardez la première partie, ça sera mieux fait. (rires)

Ca représente quoi pour toi de jouer au Grand Auditorium du Palais des Festival ?

On est contents de jouer ici. Déjà, j’aime le sud et deux des musiciens sont du sud : Bertrand Papy est d’Aix en Provence et Jérôme Ciosi est de Corse. En plus, il fait beau. Ce matin, quand je me suis réveillé dans le bus, j’étais trop content de voir la mer. Et j’aime le côté luxe de Cannes : j’aime bien les grands hôtels donc je suis servi. Et dans la rue, il y a beaucoup de pression, beaucoup de jolies jeunes filles. La salle est vraiment magnifique, le son est très bon. Puis j’adore le bon cinéma américain donc on pense forcément au Festival. Y’a des fauteuils qui ont vu passer des postérieurs mythiques. Je donnerais très cher pour être un fauteuil. (rires)

Et le fait que ce soit une salle assise ?

C’est vrai qu’on sort de tout un été de festivals et un printemps de salles plutôt debout. Là on revient à des salles assises, des théâtres parfois. C’est sûr que nous, on s’amuse mieux quand les gens sont debout. C’est un peu un défi pour nous, cet hiver. Mais les gens peuvent très bien s’éclater tout en restant assis. Il faut qu’on soit encore plus chaleureux. Vers le milieu, de toute façon, il y a un morceau où je leur demande de se lever. Après ils se rassoient et ils se relèvent quand on arrive au passage disco. Ca ressemble un peu à Jacques a dit !

Quels sont tes projets ? De nouveaux morceaux en préparation ?

Non pas encore. Là dans l’immédiat, mes projets, c’est d’aller récupérer une lettre recommandée parce que gens ont oublié de me l’envoyer par courrier normal, me couper les cheveux, aller acheter des fringues … Mais on prépare une tournée des Zénith au printemps. Des salles de 5000 à 8000 places, c’est un gros challenge, déjà au niveau de la mise en scène. On a un vrai spectacle et on ne veut pas perdre cette formule. Et puis début novembre, il y a la sortie de l’édition spéciale du disque. Ce sera le même disque avec un livret de 50 pages remplies de BD originales où des dessinateurs ont réagi à l’album. Je suis fan de magazines comme Fluide Glacial et j’adore tous les dessinateurs de BD. Je les ai appelés comme un petit gosse et ils ont tous répondu présents. Ils ont tous fait des dessins extras. On a Goetlieb, Eddy.K, Larcenet, Joann Sfar qui fait le Chat du Rabbin et des gens moins connus comme Bouzard qui est très talentueux ou Phil un dessinateur belge. On a récupéré des vieux trucs de Fred qui fait des dessins magnifiques. Et il y a même notre violoniste qui dessine hyper bien !

Beau projet ! Merci et bon concert !

Thomas Dutronc, le site officiel / Thomas Dutronc sur Myspace
Les Enfants de Django : au centre Mike Reinhardt est à la guitare électrique ; à sa gauche, Yorgui Loeffler est impressionnant de virtuosité tandis qu’à sa droite, Samson Schmitt allie la vitesse à la sensibilité mélodique avec un toucher exceptionnel. Accompagnés de deux jeunes guitaristes rythmiques et de l’excellent contrebassiste Xavier Nikq, ils ont offert une prestation extraordinaire en alliant les classiques du jazz manouche à des réinterprétations de Brasil Brasil ou encore Sunny pour finir par Les Yeux Noirs … comme Thomas Dutronc !

Eric_M

En amateur de musique, Eric Maïolino est auteur-compositeur-interprète, joue de la guitare, pratique le théâtre et assiste à des concerts! (toutes ses chroniques ici)

4 commentaires sur “Thomas Dutronc à Cannes : « Je ne fais pas du jazz manouche ! »

  1. C’est vrai, tu ne connaissais pas? On voit bien que tu n’habites pas en France :p
    J’aime plus Paris, Jeune je ne savais rien et Comme un manouche sans guitare, on connait ça par coeur ici 😉

  2. D’où le grand intérêt de ce blogue qui me permet de rester informée grâce à toi et aux autres sur ce qui se fait en France et de mon côté de vous informer de ce qui se fait au Québec!!!

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