Mouss et Hakim, dans le désordre

Mouss et Hakim, dans le désordre

Sixième chronique sur le Nice Jazz Festival 2005 : Mouss et Hakim, vous les connaissez mais sous d’autres noms.

Cette soirée de mardi à Cimiez n’était pas faite pour ceux qui n’aiment pas danser. Ca tombait bien, Mouss et Hakim entre autres avaient bien l’intention de remuer le public niçois. Pari réussi ! Si le jazz est par excellence la musique du melting-pot, c’est aussi l’essence ordinaire de leur musique. Mouss et Hakim balancent un rock-reggae qui s’enrichit de couleurs orientales ou vire au punk, singulièrement sur scène. Car ce qui frappe en premier lieu, c’est l’énergie des deux frères. Le micro bien en main, il laissent les 4 autres musiciens à leur instrument et s’occupent du spectacle. Ils sautent, ils dansent beaucoup. Leurs chorégraphies synchronisées sont mi-préparées mi-improvisées et tiennent à la fois de la danse moderne et du karaté !

Car Mouss et Hakim ne se prennent pas au sérieux. Peu importe si au détour de chansons légères, des thèmes plus graves sont abordés. Mouss et Hakim jouent le jeu à fond et à fond le jeu. Le second degré. Ils commencent par s’amuser d’être quasi jumeaux, presque interchangeables. Le nom de leur album est d’ailleurs :

Mouss et Hakim, ou le contraire, « ça dépend de celui qui le dit ». Vers la fin du concert, ils évoquent la force publique avec « cours poulet » et se tapent un délire traversant la scène de part en part à toute vitesse … Remerciant de temps en temps le public par une courbette, « avec plaisir », ils concluent sincèrement « on s’est régalé ». Et comme le public a été emballé, on les croit.

Allez, si vous leur demandiez, là maintenant, leur chanson préférée de Zebda, ce serait … Ah oui, on ne l’a pas dit : si Mouss et Hakim ont participé à des aventures comme 100% collègues ou Motivés, ils se sont surtout fait connaître au sein de Zebda dont ils reprennent Oualalaradime sur scène. Mais malgré le changement de nom, il n’y a pas de rupture avec le passé : pour composer les musiques, les 2 frères sont toujours accompagnés de Rémi Sanchez qui officiait déjà aux claviers dans Zebda. Et Magyd Cherfi, chanteur et parolier attitré de Zebda, signe la moitié des textes de l’album. L’autre moitié a été confiée à Marc Esteve qui a travaillé avec Art Mengo notamment. Enfin, un des titres est de la plume de Claude Nougaro qui l’a laissé comme un cadeau à ses compatriotes toulousains.

En fait, le seul reproche qu’on pourrait faire à la prestation scénique de Mouss et Hakim serait le manque de clarté des paroles. Déjà, la musique plutôt forte à tendance à couvrir les voix. En plus, le débit rapide et souvent simultané des deux chanteurs n’aide pas. Or on manque là une partie importante de leur univers. Alors pour se rattraper et pour terminer cette découverte de Mouss et Hakim, voici des extraits des 11 titres de leur album, composant un portrait entre humanisme et dérision des ces deux phénomènes.

1. Alif Ba Ta Tsa (Marc Esteve)
Apprendre le b.a.ba
Bercé par tous nos alphabets
C’est la seule façon d’effacer
Des siècles d’erreurs sans tarder

2. Néandertal (Marc Esteve)
On était tous égaux, les animaux, les hommes
A croquer sans un mot, la vie comme les pommes (…)
Néandertal, si tu voyais, vieux locataire
Dans quel état la planète erre

3. Le Hak et le Mouss (Magyd Cherfi)
Moi je déchire
Et moi je recouds (…)
Quand je pile
C’est lui qui charge
220 volts x 2 si t’y touches t’es barge (…)
On est deux mais chacun
De nous reste quelqu’un
On est mais chacun d’eux
A lui seul en vaut deux

4. Rodéo (Marc Esteve)
Rien n’est jamais perdu, rien n’est jamais gagné
Pas de malentendu, il faudra batailler
Ces mots c’est entendu finiront par payer
Car personne n’est dupe, nos disques sont rayés

5. Mina (Magyd Cherfi)
C’est marrant quand on les regarde
On dirait qu’il leur tarde
De voir là-haut s’ils y sont
Comment y font pour pas aimer
Ou rire ou boire ou fumer
Mourir en voilà des façons

6. Volcan (Marc Esteve)
On pourra pas
Passer l’hiver
Et rendre l’âme
A mi-chemin
Maintenant l’heure tourne … à l’orage
Dansez, de sommet en sommet
Dansez, G8, G7, G6
Dansez au-dessus du volcan
En attendant le grand feu d’artifice

7. Bottes de banlieue (Claude Nougaro)
Pour visiter l’état des lieux
J’ai mis mes bottes de banlieue (…)
Ils occupent de somptueux fromages
Des gruyères de ciment et de fer
Alors que voulez-vous ils rappent

8. La position assise (Magyd Cherfi)
Je veux bien m’asseoir mais pas nigaud
J’attends pas qu’on me dise « on y go » (…)
Et moi je veux pas lâcher prise
Donc je me méfie de la position assise

9. La bouche (Magyd Cherfi)
J’ai pas le CAP du tchatcheur mais j’ai une aura
Qui concurrence les doctorats
Comme on dit dans les hautes souches
Je suis diplômé de la bouche (…)
On m’appelle la bouche
Qui fait mouche
Sujet verbe et compliment je te touche

10. Autan (Marc Esteve)
S’il fait tomber bien des barrières
Et laisse les barbelés imberbes
S’il rallume les beaux feux d’hier
Ou fait voyager la mauvaise herbe (…)
Autant que le vent d’Autan s’emporte

11. Tant de fêtes (Magyd Cherfi)
Y’a tant de fêtes tant de rites
Et pour nous pas même une invit’
Ou des Quality Street c’est évident
Pour s’y casser les dents

Site officiel : http://www.moussethakim.fr

Eric_M

En amateur de musique, Eric Maïolino est auteur-compositeur-interprète, joue de la guitare, pratique le théâtre et assiste à des concerts! (toutes ses chroniques ici)

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