PINK FLOYD : LA VALSE DES COFFRETS

PINK FLOYD : LA VALSE DES COFFRETS

Voyage.

En 1974 mon frère revient d’un voyage scolaire à Londres et me rapporte The Dark Side of the Moon, des FLOYD. Stupéfaction. Surtout le morceau On the Run, qui initiera chez moi un voyage me menant à Klaus Schulze, en passant par Tangerine Dream et bien d’autres, mais aussi tout le progressif, de Yes à Mike Oldfield, avec des détours par Robert Wyatt mais sans me départir d’un amour immodéré pour Neil Young, ce qui n’a rien à voir. Bref. Une grande aventure musicale commençait, et je revenais toujours vers les Floyd, même si j’allais batifoler ailleurs. J’y reviens encore, lorsque Gilmour ou Waters nous pond quelque chose, mais aussi avec l’infinie valse des coffrets collectors renfermant parfois quelques pépites d’inédits. On a eu Shine On, puis Oh, by the way, l’ensemble de la discographie remixée Discovery et ses Deluxe ou « Immersion », et enfin The early Years. Ça sort toujours vers Noël, tout ça… Le 29 novembre prochain sortira le coffret « The Later Years« , en toute logique ce sera le dernier susceptible de contenir des nouveautés.

Fort de cette information l’autre soir je suis allé voir au cinéma l’unique séance de US & THEM, de Roger Waters, et suis tombé le lendemain sur un article qui annonçait que David Gilmour avait refusé que le film soit annoncé sur le site officiel de son ancien groupe. Bien sûr c’est triste mais n’oublions pas que ces deux là se sont écharpés à coup de procès dans les années 80 pour savoir qui pourrait utiliser le fameux nom, le sésame qui valait tant de brouzoufs. Ce nom est encore « bankable », et largement… PINK FLOYD est une industrie depuis plus de 40 ans, l’énorme quantité de pub autour de la moindre sortie estampillée du nom sacré nous prouve à quel point le groupe fait vendre autant de musique que de produits dérivés. Autant sinon plus que les STONES.

Un saut dans un futur parallèle.

Par rapport à 1974 j’ai fait un gros saut dans le futur : les gens marchent avec un bras levé où semble greffé une sorte de rectangle qui les fascine, tout est image, médias, sons, informations. De petits robots volants nous filment et les policiers portent des habits de gladiateurs d’un noir Orwelien…

Oui le gamin que j’étais a voyagé dans le temps et découvre avec surprise qu’à présent les FLOYD sont partout : leurs disques multipliés à l’infini en versions alternatives, plein de livres , des tonnes de DVD, tee-shirt, manteaux, stylos, mugs, livres, papeterie, posters, panneaux imprimés, meubles imprimés, housses de couette, étuis de smartphones, sacs à main, trousses, étuis de maquillage, timbres, autocollants, chaussettes, lampes de chevet… Les FLOYD, symboles en leur temps de la contre-culture… J’ai toujours l’ancien disque ramené par mon frangin, le carton est abîmé et cela fait longtemps qu’aucun diamant n’a plus parcouru les sillons de son vinyle. C’est une relique, quand je l’ai eu Dark Side Of The Moon était utilisé dans les magasins de Hi-Fi pour faire découvrir une nouveauté révolutionnaire aux clients français : la Stéréo ! Aujourd’hui Waters fait des tournées avec des spectacles pharaoniques et tout aussi novateurs, Gilmour nous transporte encore avec ses solos à chaque fois plus transcendants, même le batteur Mason y va de son Saucerful of secrets Tour pour ranimer de vieilles chansons (dans des cadres plus modeste il est vrai). Les mecs ont plus de 70 ans et leur ancien groupe est toujours une véritable institution, tout le monde connait le nom et le logo du prisme sur fond noir, celui de la pochette du disque sorti en 1974. Ce triangle est omni-présent sur toute la planète, j’ai l’impression d’être dans un univers parallèle qui a pris naissance lorsque Dark Side a fait vibré pour la première fois les enceintes du vieux pick-up de mes parents. Comment Diable quatre types de Cambridge sont-ils devenus des demi-dieux ?

Coffrets à prix d’or.

Un bon marketing, c’est un bon marketing. Nous, les fans, avons eu droit à des coffrets dispendieux que la plupart, doux rêveurs, n’ont pu s’offrir. Des objets de luxe avec de l’inédit à l’intérieur. Ils sont très malins, dans la branche marketing de la multinationale PINK FLOYD Limited : du « remastered » + quelques « inédits », et la soupe est prête. Je passe sur la multitude de photos rares, de posters collectors, de cartes postales, de vidéos, de versions 5.1, et mêmes d’objets sacrés qui accompagnent la livraisons du culte à 630 euros (prix de The Early Years 65-72 édition limitée), ou décliné en tranches à 40 euros… Moi perso je n’ai pas les moyens. On a heureusement le CD Best-off à 12 euros, le CD du pauvre, qui devrait réunir dans un monde parfait la substantifique moelle du coffret… mais non, le CD du pauvre est pauvre, tous les inédits n’y sont pas. C’est très malin, et très frustrant. Alors on se débrouille, et on fini par les avoir tout de même, ces bouts de musique. Je dirai même que leurs prix exorbitants encourage le piratage. Ça vous étonne ? Un collectionneur fera tout pour entendre LE morceau inédit ressorti des tiroirs, le Graal tant convoité, imaginé, espéré. On est parfois déçu : c’est le cas avec ce dernier coffret, The Later Years, dernier d’une longue lignée de « coups » marketing.

Une histoire de trésors oubliés

Bien avant cet ultime don du ciel, comme tant d’autres groupes superstars les FLOYD ont depuis longtemps joué le jeu de la rareté et de l’inédit. Autant prendre mon expérience personnelle, bien que cela ne soit pas très journalistique, pour retracer cette quête à la Indiana Jones que les initiés ont vécue depuis plus de quatre décennies. Le premier disque à contenir quelque chose d’intéressant fut pour moi Masters of Rock, sorti en 1970. Je ne l’ai déniché qu’après Dark Side, bien-sûr. Il y avait là-dedans les singles devenus introuvables et particulièrement Arnold Layne, Candy and a current Bun, Apples and Oranges, It Would be so nice, Paint Box et le très beau Julia Dream. Des face B de grande valeur, période Syd Barrett et juste après. En 1971 la compile Relics a repris le flambeau en offrant la version single de Interstellar Overdrive et surtout Biding my Time, que l’on peut qualifier de premier véritable inédit, issu des sessions de Ummagumma. Par contre le single Point me At the Sky fut complètement oublié, ainsi que les fameux Scream that last Scream et Vegetable Man de la période Barrett, enregistrés en studio mais bloqués au dernier moment. Ces deux titres allaient pour longtemps devenir les pièces les plus recherchées des Fans, et on peut compter à présent des dizaines de versions différentes sur les albums pirates (le coffret « The Early Years » les exhumera après des siècles, tout comme les morceaux Seabirds et Hollywood de la bande-son de More, absents de l’album éponyme). Donc déjà pas mal de choses mises de côté pour les futurs coffrets, sans parler des « outtakes » enregistrés pour le film « Zabriskie Point » de 1970 qui allaient aussi faire le bonheur des bootleggers.

Vaches maîgres

Il y eut ensuite une très longue période de vaches maigres pour nous, fans archéologues, et en dehors des disques pirates il faudra attendre 1981 pour se mettre sous la dent quelque chose de moyennement intéressant avec une version ré-enregistrée de Money pour la compile A Collection of Great Dance Songs. Ouais, bof. Le vrai inédit arrivera plus tard sur l’album Works, avec Embryo, enregistré encore une fois pendant les très riches sessions de Ummagumma. Cette chanson a une histoire particulière, car elle parut initialement sur un sampler de Harvest Records : Picnic – A breath of Fresh Air, en 1970. Ce disque fut rapidement retiré des bacs car les FLOYD n’avaient pas autorisé l’utilisation de leur morceau qu’ils jugeaient inachevé. Treize ans plus tard ils acceptent de le publier dans Works. La donne a changé, on est en plein procès Waters-Gilmour et la maison de disques réclame de la matière : on sait déjà que l’inclusion d’une rareté va booster les ventes.

Arrive l’époque The Wall, avec sa musique du film, qui est programmée pour sortir sous le nom de The final Cut, ce qui ne se fera jamais (The Final Cut deviendra un album de Waters – accompagné par les Floyd sans Rick Wrigth). Dans la bande son du film, deux inédits : When the tigers broke Free et What shall We do Now ? Le premier sortira en 45 Tours (et sera inclus 30 ans plus tard dans la réédition de The Final Cut), le second demeurera exclu de toute parution officielle. Il est à noter que cette version de la chanson, et d’ailleurs toute la bande-son du film qui contient tout de même des versions alternatives et ré-enregistrée de The Wall, n’est en 2019 encore jamais parue officiellement.

Les débuts des coffrets

1991 : le CD Tonite Let’s All Make Love in London, bande-son du film de Peter Whitehead sorti en 1967, fait une sortie-surprise dans les bacs. Il contient deux versions studio inédites assez intéressantes pour être citées : un Interstellar Overdrive très différent de celui qu’on trouve sur Piper at the gates of Dawn, et un Nick’s Boggie de plus de 11 minutes qui nous donne une idée des improvisations de l’époque Barrett. Ensuite, 1997 : la réédition de la bande originale de Zabriskie Point propose pas moins de 4 titres inédits des Floyd, rendant obsolètes des centaines de versions piratées. Le CD est passé relativement inaperçu, et pourtant ces bandes initialement enregistrées pour le film d’Antonioni sont loin d’être anodines, on y trouve même un vraie chanson : Unknown song (The red Queen, en fait). Tout sera aussi réédité plus tard dans The Early Years. Un peu plus tard le 17 Mars 2000 grosse surprise : le concert complet de The Wall sort en petit coffret sous le nom Is There Anybody Out There ! Ça a été enregistré live en 1980 et 81 et le son est gargantuesque. Un très beau cadeau qui nous fait découvrir un morceau jamais entendu, sorte de Meddley psychédélique jusqu’à présent totalement inédit : The last Few Bricks. Un autre saut dans le temps et nous voilà en 1992 : le coffret Shine On, opération très commerciale marquant le 25ème anniversaire du groupe, envahit les magasins de disques. Il reprend tous les albums jusqu’à A Momentary Lapse of Reason (Waters a quitté le groupe), mais l’équipe Marketing a également inclus un CD qui ne paraîtra pas en dehors de cet objet dispendieux : The Early Singles. Il reprend à peu prés le Masters of Rock des débuts en y incluant l’oublié Point Me at the Sky, seul intérêt de ce CD et… du coffret, en fait.

Le premier Coffret : « Shine On »

Neuf ans passent, sans rien à se mettre sous la dent. Puis en 2001 sort Echoes, the best of Pink Floyd, qui présente les morceaux-phares du groupe liés les un aux autres en versions raccourcies. C’est amusant, mais les Fans ne sont pas concernés, le public visé ce sont les jeunes qui vont découvrir le Floyd grâce à ce Package pré-digéré (l’aspect concept-albums du groupe passe totalement à la trappe). Pourtant on y a inclus une rareté : le When The Tigers broke Free de la bande son de The Wall. Sont malins, au marketing.

Six ans plus tard nous sommes en 2007. Il y a eu The Division Bell depuis, et le magnifique live Pulse… On parle d’une masse d’enregistrements non-sélectionnés pour le dernier album du groupe, qui aurait pu être un quadruple album. Et hop, ils nous balance un coffret format CD : Oh, By the Way (qui reprend le coffret Shine On + The Final Cut et The Division Bell). Grosse pub pour ce qui ne contient rien d’autre que les disques déjà sortis. Je me pose encore la question de l’intérêt de la chose, surtout que quatre ans plus tard on aura droit à des choses vraiment intéressantes : les versions Discovery des albums, de vraies remasterisations doublées d’éditions « Immersion »… On peut dire que Pink Floyd a décidé tardivement d’ouvrir à fond les vannes (qui se sont taries depuis).

Discovery

The Dark side of the Moon, Wish you Were Here et The Wall sont les trois œuvres qui ont bénéficié d’une version « Immersion ». Ce qui veut bien dire « avec des inédits dedans ». C’est le début du grand déballage, qui se poursuivra avec le coffret « The Early Years » rempli de raretés, un vrai bonheur pour les archéologues que nous sommes. C’est le point culminant, l’Eldorado. Voici la liste des morceaux enfin disponibles :

Pour Wish you were here : Raving and Drooling (proto version live de Dogs), Youve got to be crazy (proto version live de Sheep), Wine glasses (ce qui ressort des fameuses sessions où les Floyd essayaient de faire de la musique avec des instruments de cuisine – selon la légende), Have a cigar (la version « perdue » chantée par Waters), et Wish you were here (la version « perdue » avec un solo de Stéphane Grappelli).

The Dark Side of the Moon Immersion Edition

Pour Dark Side of the Moon : alors là on est particulièrement gâtés… en premier on a droit au concert de Wembley dans sa totalité, déjà paru sur les disque pirates de l’époque en moins bonne qualité (Dark Side a été rodé sur scène pendant pas mal de temps, à tel point que les fans connaissaient déjà le disque par cœur avant sa sortie). Encore plus intéressant le « early-mix » du disque par Alan Parson en 1972 (rejeté par la suite mais écoutez la version de The great gig in the Sky avec les voix d’astronautes… c’est pas mal non plus). Le CD 3, lui, nous offre une liste tellement longue de version primitives en studio, parfois totalement abouties, que je ne peux pas les énumérer ici. Il s’en détache cependant The Travel Sequence en live et en studio, ce qui aurait du être à la place de On The run si les Floyd n’avaient pas découvert le synthé VC3.

Et enfin, pour The Wall… Que dire… Ce fut pharaonique. Toutes les bandes de travail, les enregistrements studio d’une première version de l’album, des versions très très différentes, et un Sexual Revolution venu de nulle part que Waters reprendra plus tard dans son album solo The pros and cons of Hitch Hiking.

L’âge d’or

Avec les éditions « Immersion » on peut dire que nous étions déjà vraiment gâtés, surtout que les CD sont sortis séparément, rendant leur achat possible à tout un chacun. Mais pour les collectionneurs il restait les choses d’un passé plus reculé… Les fans n’oubliaient pas les légendaires Scream that last Scream et Vegetable man, ils espéraient même avoir accès à des enregistrements live des FLOYD de Syd Barrett, plus toutes les bandes que la BBC gardaient au fond de la cave (les émissions présentées par John Peel), tout le matèriel pré-Dark Side dont ils imaginaient les trésors. C’est pour eux que Nick Mason et David Gilmour conçurent le coffret The Early Years.

The early Years apporta donc son lot de pépites : Scream et Vegetable Man étaient bien présents, avec les sessions totalement inédites John Latham dont je n’avais jamais entendu parler, et l’instrumental In The Beechwoods qui faisait fantasmer les collectionneurs depuis des lustres (un inédit studio de 1967 !) . Egalement présent les pistes de CD à tirage limité 1965 : their first recordings, que Parlophone a sorti en 2015 (contenant les très recherchés Lucy Leave et I’m a king Bee, entre autre, exécutés par le groupe de Syd Barrett qui ne s’appelait pas encore les Pink Floyd). Il y avait bien du live avec Barrett, un son nettoyé pas trop dégueu mais la voix de Syd totalement en retrait, dommage. Toutes les bandes de Zabriskie Point étaient présentes (augmentées de morceaux jamais encore édités), des versions live BBC enregistrés sur une radio, puis ceux plus présentables de la période Atom heart Mother et Meddle, dont un magnifique Embryo et une bande de travail pour Echoes (Nothing part 14), mais aussi les très recherchés Hollywood et Seabirds provenant de la bande son du film More… De la quantité, pas toujours de la qualité pour les audiophiles mais surement des trésors pour les collectionneurs compulsifs ! Dans le cas de Seabirds ce ne fut pas la chanson qu’on entend dans le film More mais une version alternative de Quicksilver de l’album original, mystère… Le vrai Seabirds reste donc le grand absent, mais tout le reste était parfait, mis à part peut-être la musique du petit film The Commitee et d’autres trucs qui ne seront guère différents de ce qu’on trouvait déjà dans la discographie pirate (un son médiocre et parasité, avec les bruitages du film pour The Commitee). Certaines choses, je le répète, tiennent plutôt de la pièce de musée. C’est la grande différence d’avec les coffrets des autres groupes, comme Genesis par exemple : les Floyd se permettent de vendre des pistes avec un son de chiottes pour leur valeur documentaire. Parfois c’est vrai qu’on espérait autre chose, avoir accès à des bandes-son restaurées, mais les masters n’existent plus (la BBC a foutu en l’air quantité de trésors, c’est un vrai scandale). Dans The Early Years on eut même droit à un enregistrement complet du spectacle The Man and The Journey, grande arlésienne de la période Ummagumma, que les Floyd de l’époque hésitèrent à sortir en live, peut-être avec raison. Et puis aussi l’audio du très célèbre et mainte fois piraté Pink Floyd à Pompeï, que tout le monde connait déjà mais « jamaiiiiis sortiiiiiii officiellement ». Bref, je pourrais vous en tartiner des pages, mais venons-en à l’actualité : qu’en est-il aujourd’hui de cet ultime coffret estampillé PINK FLOYD : The later Years, à 415 euros ? Doit-on s’attendre à une telle richesse ?

The Later Years

Le coffret de trop

Je vais vous éviter de vendre un rein. The Later Years c’est beau à voir, les visuels sont top, mais c’est quasiment vide à l’intérieur. En ce qui me concerne je vais m’attacher à la musique, pas aux objets contenus dans le coffret. J’en ai rien à battre qu’on y trouve des 45 tous, des étiquettes, des autocollants, des affiches, tout ce carton et ce papier préparé par des designers qui ne sont pas les PINK FLOYD. Le premier CD contient le remix de A momentary Lapse of Reason sorti en 1987. Quoi de neuf par rapport au remix 2011 ? On nous promet que « il comprendra des contributions inédites du claviériste Richard Wright et du batteur Nick Mason, afin de « restaurer l’équilibre créatif des trois Pink Floyd. » » (cf Rolling Stone). Ok je demande à écouter ça. On aura des overdubs en plus dans le son, des trucs d’époque. Mais rien d’autre ? Dans ce coffret il y a aussi les concerts de Venise en 1989 et Knebworth en 1990 (on les a déjà, là rien de neuf hormis qu’ils sortent « officiellement »). Voilà pour la période de A momentary Lapse…. C’est tout, pas d’inédits ! En ce qui concerne The Division Bell, on a déjà eu un gros lot de perles vu que le fameux Big Spiff , ces masses d’enregistrements rejetés et qui aurait en 94 pu donner un quadruple album, sont finalement sortis sous la forme de The Endless River en 2014, avec des ajouts récents de Gilmour et Mason (pour l’unique chanson de l’album, Louder Than Words, seule la base instrumentale appartient aux sessions de Division Bell… et c’est aussi le cas de tous les autres morceaux instrumentaux, qui ont, petite trahison, été overdubés à fond). The Endless River version deluxe contenait dans la section vidéo deux inédits (Nervana et Untitled) qui n’ont pas été retenus, car ce ne sont au final que des Jams de travail et rien d’autre, rien de folichon sinon le plaisir de voir Rick Wright et Gilmour ensemble. Par contre dans The Later Years on nous promet 7 morceaux inédits ! Diantre ! Mazette ! Je suis parti éplucher la liste des pistes sur Amazon : le disque 4 contient Blues 1, Slippery Guitar, Rick’s Theme , David’s Blues, Nervana, Marooned Jam et une version primitive de High Hopes.

Nervana, on connait déjà, ce sera la même chose mais seulement en audio. High Hopes c’est la même chanson que sur Division Bell en moins bien. Marooned Jam une version de travail de…. Marooned. Le reste : 2 jams de blues et Rick qui improvise au piano avec son pote David sur Untitled (logiquement, comme pour Nervana, le même Untitled que la vidéo dans le coffret The Endless river… vous arrivez à suivre?). C’est tout ce qu’on a ? J’avoue que je suis plutôt déçu, surtout après la richesse du précédent coffret et des Discovery Immersion. Au final le seul truc vraiment intéressant sera pour moi le remix de A momentary Lapse of reason, qui sortira peut-être ce disque de 1987 du syndrome gros-son des années-80 qui l’ont un peu gâché. Enfin, j’espère. Mais de l’avis de nombreux fans Momentary, l’album de la renaissance des Floyd, aurait pu faire l’objet à lui seul d’une version « Immersion », avec les inédits utilisés en 1992 dans la bande-son jamais diffusée de La Carrera Panamericana (5 instrumentaux). Il y a sûrement un truc contractuel qui a empêché ça, c’est bien dommage.

Pink meringue

La meringue avec des surprises à l’intèrieur

La sortie de ce coffret PINK FLOYD c’est comme un gâteau surprise : le plaisir est dans l’espoir, il se situe avant de savoir ce qu’il y a à l’intérieur des couches successives de sucre. Beaucoup d’espoir, car après tout on avait été bien gâtés par le passé, les livraisons de trésors allant crescendo : dés Master of Rock en 1970 PINK FLOYD a joué le jeu des Fans et a distillé peu à peu son back-catalogue. Alors, quand on goûte ce dernier gâteau The Later Years on a l’impression que le pâtissier est rincé. A nous recycler du Remix et 3 ou 4 Jams-sessions à quatre accords on est si loin des coffrets précédents ! Comme dans le cas de Shine On et Oh, by the Way par le passé, c’est du pur commercial. La magie de l’inédit on sent bien que c’est terminé, les tiroirs sont vides mais chez EMI ils n’ont pas pu résister à actionner la pompe à fric. Dans le US & THEM de Roger Waters dont je parlais au début de l’article, on a des ré-orchestrations de classiques tels que Welcome to the Machine qui nous font redécouvrir l’oeuvre et ravivent notre plaisir. Je trouve ça plus intéressant et j’attends le CD live de ROG avec impatience. J’aurais aimé le voir en vrai, ce concert. Mais les places étaient hors de prix, là aussi, comme les coffrets que Gilmour et Mason inventent avec leur équipe Marketing. Je suis allé voir le concert du pauvre, au cinéma, tout comme il y a quelques années j’ai acheté le Early Years du pauvre, le CD tout simple. Le Marketing est à tous les étages, il diversifie l’offre pour atteindre toutes les cibles. C’est comme ça que ça marche. Les pratiques sont discutables, les prix trop élevés, mais au moins il y avait de la matière : on avait envie de faire plaisir aux Fans. Ce qui n’est pas le cas de ce Later Years qui est le coffret de trop.

Mars

Les FLOYD vivent et meurent sur Mars, avec des cartes de crédit plein les poches… C’est un lieu commun, une caricature. Ces gens-là sont complexes, leur vie est complexe. Waters fustige le capitalisme, Gilmour vend ses guitare et donne tout ce que cela rapporte pour le climat, mais il y a toujours un goût amère de fric derrière tout ça. Comme au temps de la pub GINI, qui voyait ce groupe anti-establishement signer un pacte avec le Diable, idem plus tard avec la Volkswagen Golf 1.4 estampillée PINK FLOYD. Quelle contraste entre les paroles des chansons des Floyd et ces contrats passés avec les industriels ! Tout ces coffrets très, trèèèèèès chers… c’est un peu la même chose. On se sent gênés. J’imagine que c’est comme ça avec tous les grands groupes : pourquoi fustiger la machine FLOYD plus que d’autres ? Après tout, le coffret ARCHIVES 63-72 de NEIL YOUNG vaut 400 euros… Ceux de GENESIS sont aussi très chers. A présent tout le monde sort le moindre inédit, quitte à avoir 15 versions live des mêmes morceaux en circulation. On dépoussière les bandes de travail, les outtakes et les cassettes de démos, pour faire vivre ad eternam les dinosaures qui font un max de blé (dernièrement le Abbey Road des BEATLES). Tant que ça rapporte, qu’importe la qualité. Oui, mais les Floyd, c’est pas pareil… On ne peut pas trop expliquer pourquoi, on a un attachement particulier, sûrement à cause des messages véhiculés dans les chansons, des mots qui résonnent en nous. Les plus connus étant « Money, get away… » (bon, elle est facile celle-là). PINK FLOYD était le groupe schizophrénique par excellence, à l’image de son fondateur le fragile et sans concessions Syd Barrett. Il l’est toujours, finalement, avec cette dichotomie fric/anti-système. C’est une vision manichéenne des choses, mais après tout j’ai le droit de réagir simplement, avec le romantisme et la naïveté d’un Fan amoureux de ses idoles. Un fan qui n’a pas trop de pognon.

J’achète ou pas ?

Alors nous, simple mortels, est-on pour autant des pigeons lorsque nous faisons péter la carte de crédit pour 2 ou 3 vagues trésors ressuscités ? Je me permet humblement de donner mon avis : pour cet ultime coffret, oui, on se ferait pigeonner, on a l’impression de se faire avoir. Il y a trop peu à se mettre sous la dent. Une époque vient de se terminer, il va falloir tourner la page : on a déterré tous les trésors. Mais bon… On a un bel objet avec PINK FLOYD écrit dessus, c’est vrai. Peut-être, si vous en avez les moyens, ne faut-il pas trop réfléchir et seulement mesurer la chose à l’aune du plaisir devant le gâteau, devant une petite part de votre rêve d’Indiana Jones de la musique. Un plaisir enfantin, avec rien dans les mains et tout dans la tête : tout est dans le papier qui entoure le cadeau. C’est un plaisir qui leur rapporte gros, chez EMI, mais après tout, si vous pouvez vous le permettre et que vous en avez vraiment envie, ce sera gagnant-gagnant. Même pas la peine d’ouvrir le paquet.

Fredel

Auteur-compositeur de musique pathétique sous le nom de SILEREVES, auteur de livres fantastiques & SF, occasionnellement journaliste dans la presse et radio locale, FREDEL vit en Charente-Maritime prés de La Rochelle (la ville de Champlain, fondateur du Québec en 1608...).

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