Nice Jazz Festival : un 5e jour funky à fond

Grosse soirée hier pour la dernière du Nice Jazz Festival. La programmation me semblait moins grand public que la veille avec Seal pourtant il y avait encore plus de monde puisque les 9000 places disponibles ont toutes été vendues. Il faut dire qu’entre les maîtres du jazz d’un côté et ceux du funk de l’autre, le programme était plus que chargé. Encore plus que les autres fois, j’ai dû trancher et j’ai choisi évidemment la scène Masséna où passait mon Keziah Jones adoré. Mais à part lui, vous vous demandez sûrement qui jouait en ce mardi 12 juillet. Voici la réponse.

Le théâtre de Verdure était consacré à trois grands maîtres du jazz. Pour la première fois depuis le début du festival, je n’ai pu en voir aucun. Le trompettiste Roy Hargrove ouvrait le bal. Spécialiste des collaborations, il était même venu à Juan pour un spectacle en compagnie de Mc Solaar. Et vu comment son quintette semblait groover, il aurait eu toute sa place sur la scène funk de Masséna. Le pianiste Ahmad Jamal suivait. Il s’est fait connaître lorsque Miles Davis a repris plusieurs de ses thèmes (pas mal). A 80 ans, il est une référence pour Keith Jarrett (re-pas mal). Seul problème : il jouait en même temps que Keziah Jones! Enfin, Wynton Marsalis concluait la soirée avec le Lincoln Center Jazz Orchestra de la Nouvelle Orléans. Vu sa notoriété, j’avais bien prévu d’assister au début de son concert mais le théâtre de Verdure était littéralement plein à craquer : les gens étaient assis jusque dans l’allée destinée à circuler et debout devant les entrées, je n’ai donc même pas pu apercevoir la scène! Dommage car les quelques minutes écoutées étaient vraiment ultra-swing.

C’est à la scène Masséna que j’ai  passé la quasi-totalité de ma soirée. Le début était très soul. Aloe Blacc a été la vraie révélation du jour. En chapeau noir et veston gris, il chante une soul à la fois moderne et intemporelle. Sa voix concentre toute l’énergie de sa jeunesse et toute l’expérience qu’il a acquise à l’écoute des anciens. Sur scène, bien entouré de ses six musiciens dont deux cuivres, c’est une pile électrique qui chauffe le public à blanc. Il se paie même le luxe de demander à la fosse de laisser une allée libre pour les danseurs volontaires : façon Soultrain, chacun est invité à venir improviser une choré perso. Merci de ce moment, ça m’a permis de m’approcher tout près des barrières. Enfin, les tubes Loving you is killing me et I need a dollar achèvent de mettre le feu. Gros succès! J’ai acheté l’album dans la foulée!

J’étais prêt pour celui que j’attendais depuis le début du festival, Keziah Jones. Je l’avais déjà vu en trio deux fois au festival de Nice (ancienne version). Cette fois, il n’avait pas de nouvel album à présenter et a choisi une tournée solo. Sous l’un des ses nombreux chapeaux, il portait un ensemble orange aux motifs africains. Quelques temps plus tard, il déboutonnera évidemment la chemise. Dès le départ, il nous annonce qu’il va jouer des titres anciens, des titres nouveaux et des titres « empruntés ». Il commence en effet avec deux chansons de son premier album avant de se lancer dans des reprises sans filet, freestyle : c’est bien l’esprit du jazz, précise-t-il. Il nous offre ainsi Ain’t no sunshine créé par Bill Withers ou encore When doves cry  de Prince que je connaissais par Patti Smith. C’était pour moi un très très grand plaisir de l’entendre en solo vu combien j’admire son jeu de guitare qui fait de lui un homme orchestre. (Certains taxeront d’ailleurs cette chronique de non-objective, ils auront raison). C’était aussi un grand plaisir pour lui vu le sourire qui ne l’a pas quitté.

Rejoint par son percussionniste au sixième titre, Keziah Jones joue encore un titre ancien puis des plus récents. Véritable métronome, j’ai trouvé le percussionniste un peu trop discret mais cela a laissé toute sa place à Keziah. Le concert culmine sur une version incroyable de Kpafuka qui lui vaut de casser sa première corde. En un titre, il démontre à quel point il est la fusion incarnée du funk allié aux rythmes africains : le blufunk est vivant! Il calme ensuite le jeu avec deux ballades en Yoruba, sa langue natale au Nigeria. Mais les tubes ne tardent pas : Beautiful Emilie, My kinda girl et l’inévitable Rhythm is love avec les cœurs du public. Le temps de faire tomber la chemise, il revient pour des rappels une cigarette à la bouche. Il se la fait alors façon Hendrix en jouant avec la guitare dans le dos : il commence par faire chanter des impros vocales au public avant dans se lancer dans All along the watchtower immortalisé par le maître. Je suis aux anges, j’ai vu le dieu du blufunk. Vivement la prochaine apparition.

Enfin, il restait à Maceo Parker le soin de clôturer cette nouvelle édition du festival. Connu pour avoir été notamment le saxophoniste de James Brown, Maceo Parker suit sa propre carrière solo depuis vingt ans. Son groupe, pour la plupart de New York City, est évidemment d’une précision absolue, à commencer par le bassiste, véritable machine de guerre à lui tout seul. Notons aussi le tromboniste qui est souvent en duo avec Maceo quand il joue les parties rythmiques. Comme chaque musicien, les deux choristes (homme et femme) auront aussi leur moment d’exposition. Mais c’est Maceo qui chante la plupart des titres. J’ai d’ailleurs été étonné qu’il ne chante plus qu’il ne joue. Les solos de saxo ont même été réservés au début et à la fin du concert. Le spectacle mêle ses propres compositions à des hommages : James Brown bien sûr, Ray Charles (qu’il chante en mettant ses lunettes noires) ou encore Prince qu’il accompagne sur scène depuis dix ans. Les tourneries funky obligent toute la foule à remuer et enfin, juste avant les rappels, il nous présente son frère à la batterie : il le laisse en solo devant quelques milliers de personnes subjuguées. Maceo Parker revient pour un rappel et le succès est total. De mon côté, il m’a manqué un petit quelque chose, soit la voix et la présence scénique d’un James Brown soit la folie d’un groupe comme le Parliament de George Clinton. Mais j’ai beaucoup aimé!

Finalement, ce nouveau festival aura été pour moi un très beau moment. J’ai apprécié le nouveau site, plus accessible notamment pour se garer. Par contre, en venant de Cannes, j’ai eu de longs bouchons sur l’autoroute quatre soirs sur cinq, ce qui m’a parfois fait perdre le début des concerts. Je regrette aussi que les concerts aient été programmés en parallèle et non en décalé mais j’ai finalement accepté de ne voir que la moitié de ce qui était proposé, notamment les soirs où le théâtre de Verdure était réservé au jazz plus classique. Quant aux rencontres de presse, elles avaient bien commencé mais les gros artistes de la fin du festival nous ont un peu boudés. Dommage mais rien ne remplacera le festival 2006 avec les rencontres de Toto, Suzane Vega, Jehro ou encore Popa Chubby. Enfin, grâce à mon tout nouveau téléphone, j’ai pu envoyer mes premiers tweets en direct, c’était sympa. Quant à la programmation, elle a été exceptionnelle notamment le soir blues et world. Je réécouterai sûrement Asa, Carlinhos Brown et Aloe Blacc et j’ai désormais la discographie complète de Keziah Jones!

Liens
Nice Jazz Festival : l’indispensable site officiel avec photos et vidéos
La setlist du concert de Keziah Jones sur mon blog
All along the watchtower par Keziah Jones : l’extrait vidéo de l’émission de Guillaume Durand où le micro était tenu par John McLaughlin, le parrain du festival
Nice Jazz Festival 2009 : Keziah Jones amène le funk du Nigeria à Nice : ma chronique sur Zik’n’blog
Keziah Jones au Nice Jazz Festival 2004 : ma chronique sur mon ancien blog

Eric_M

En amateur de musique, Eric Maïolino est auteur-compositeur-interprète, joue de la guitare, pratique le théâtre et assiste à des concerts! (toutes ses chroniques ici)

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