Le droit d’auteur au Canada et ailleurs

Le droit d’auteur au Canada et ailleurs

Le projet de loi C-61 modifiant l’application du droit d’auteur au Canada s’appliquera-t-il un jour ?

C’est hier qu’avait lieu la conférence de Michael Geist, initiateur du mouvement Fair Copyright for Canada (qui compte plus de 92.000 membres sur le groupe FaceBook). Le professeur Geist a discuté du controversé projet de loi C-61, qui visait à modifier le droit d’auteur canadien.

Le déclenchement des élections fédérales repousse (ou tue?) une nouvelle fois l’application du projet de loi C-61, tout comme ce fut le cas avec le projet de loi C-60. Les ministères du Patrimoine canadien et Industrie Canada ont déposé et présenté, le 12 juin 2008, un projet de loi intitulé C-61 (document de 58 pages) visant à modifier la loi sur le droit d’auteur. Il est clair que le progrès technologique oblige une action au Canada sur leur loi, vieille de onze ans avec le projet de loi C-32 adopté en 1997, alors que d’autres pays l’ont déjà modifiée (loi DADVSI en France). Le Canada est en retard mais il s’agit d’un défit très délicat qui se doit de lutter contre le piratage sans pour autant fermer toutes les portes.

Mais alors comment modifie-t- on la loi et comment les réformes profiteront au Canadiens ?

Ainsi, un résumé clair que l’on peut lire sur le site français Écran, nous indique ce que le texte prévoit notamment :

– « L’interdiction du contournement des verrous numériques (DRM ou gestion des droits numériques), ainsi que la vente qui d’outils permettant ce détournement (certaines exceptions s’appliquent, telles que le iPod) ».

– « La limitation à une seule copie de fichier de musique par appareil, et seulement pour son usage personnel. Il est interdit de donner une copie à quelqu’un, même à un membre de sa famille ».

– « La pénalisation (déjà en application) du téléchargement et de la diffusion d’œuvres protégées par des amendes pouvant s’élever jusqu’à 500 dollars (320 euros) par fichier téléchargé en aval (download) et jusqu’à 20 000 dollars (12 700 euros) par fichier rendu disponible via téléchargement en amont (upload) ».

– « L’obligation pour les fournisseurs d’accès Internet « de transmettre un avis à l’abonné et de tenir un registre des renseignements pertinents (par exemple l’identité de la personne présumée avoir enfreint le droit d’auteur) ». C’est à dire de fournir aux ayants droit les informations nécessaires à d’éventuelles poursuites incluant l’envoi automatique d’informations concernant les logiciels d’échanges entre les particuliers (peer to peer) ».

– « La limitation pour les particuliers à un seul enregistrement d’une émission (radio ou télévision) en vue d’une écoute en différé. Seule cette personne ou ses proches peut l’écouter ou le regarder. Il est par ailleurs interdit de le conserver indéfiniment : l’usager ne peut conserver son enregistrement que le temps d’un seul visionnement ».

« Mais aussi, les enseignants utilisant des contenus protégés pour leur cours ne pourront pas les conserver plus de 30 jours. Ou encore tous les documents échangés entre les bibliothèques devront être cryptés et supprimés au bout de 5 jours ».

Pour un droit d’auteur équitable au Canada, un groupe facebook : tous uni contre la loi C-61 a été créé où l’on peut visionner cette vidéo :

Il ne faut le nier, le projet de loi C-61 est inspiré du controversé DMCA Américain (Digital Millemmium Copyright Act : Loi du millénaire numérique sur le droit d’auteur). Afin d’expliquer comment cette nouvelle législation affecterait la vie quotidienne des canadiens (et québécois), la CIPPIC (Canadian Internet Policy ans Public Interest Clinic – en français : Clinique d’Intérêt Public et de Politique d’Internet du Canada) de l’université d’Ottawa a produit cette vidéo très intéressante :

Pour la CIPPIC, il s’agit d’un manque d’imagination et de perspective dans l’espace d’Internet, si on prend connaissance de l’entrevue d’Astrid Girardeau et de David Fewer.

D’après Michael De Santis et Pierre-Marc Gendron, nous serions en route vers le pire régime de droit d’auteur au monde? C’est le 16 octobre 2007, lors de la lecture du discours du trône, que nous pouvions entendre : « Notre gouvernement rehaussera la protection des droits de propriété culturelle et intellectuelle au Canada, notamment par une réforme des droits d’auteur. » Michael De Santis et Pierre-Marc Gendron nous indique qu’il était « clair que les conservateurs allaient tenter de réussir là où les libéraux avaient échoué en novembre 2005 avec le projet de loi C-60« .

Pourtant le gouvernement a mis en ligne des Questions et Réponses que je vous suggère de lire.

Le projet de loi C-61 vu par l’Adisq : son analyse

Le projet de loi C-61 impliquerait le gouvernement dans sa reconnaissance d’illégalité de s’adonner à des échanges de fichiers (P2P) au Canada. S’approprier illégalement de la musique entrainerait des dommages préétablis de 500$. D’après l’Adisq, L’Association du Disque au Québec, cette mesure lancerait « un message très négatif sur la valeur de la musique puisqu’il est techniquement possible pour un internaute de s’approprier illégalement des milliers d’oeuvres ». De plus, « le projet de loi soulève d’autres importantes préoccupations pour l’ADISQ, notamment en regard des dispositions visant le régime de reproduction de musique pour usage privée. Le consommateur pourrait maintenant copier sa musique acquise légalement sur son ordinateur, sur tous ses baladeurs audionumériques, sur un DVD et sur ses cartes mémoires électroniques. Comme la plupart des copies de musique faites sur des enregistreurs audionumériques ne sont pas réalisées à partir de CD acquis légalement ou à partir de téléchargements autorisés, le projet de loi ne résout pas le problème lié au fait que, lorsqu’une personne copie de la musique acquise illégalement, elle viole la loi ».

Les FAI filtre ou bride certaines applications de P2P : La neutralité du net

Les fournisseurs d’accès à internet (FAI) sont, quant à eux, plutôt satisfaits du projet de loi C-61 puisqu’ils ne seraient pas impliqués dans la régulation des communications qu’ils ont à transporter les données d’un point à l’autre d’internet.
Qu’à cela ne tienne, parce que les applications de Peer-to-Peer (P2P) sont très consommatrices en bande passante, Videotron, Bell Canada, Rogers Communications et d’autres encore ont décidé, tout comme le fait Comcast aux Etats-Unis, de limiter la largeur de leurs tuyaux pour les consommateurs. Est-ce réellement un problème de bande passante comme se justifie Bell ou une astuce pour limiter le P2P afin de diriger les consommateurs vers leur service légal de Video On Demand (VOD) ? Un recours collectif à l’encontre de Bell Canada a été demandé puisque cela ne concerne pas uniquement les accès des propres abonnés de Bell, mais aussi les abonnés des FAI concurrents auxquels Bell a l’obligation de louer ses lignes. L’Union des consommateurs apporte l’argument suivant : « Pour inspecter les données des utilisateurs et gérer le trafic Internet, Bell utilise une technologie, le Deep Packet Inspection (DPI) qui porte atteinte au droit à la vie privée des consommateurs qui utilisent les services d’accès Internet ».

En Angleterre et en France, les Fournisseurs d’Accès à Internet seraient bientôt responsables des gestes illicites de leurs abonnés.

La justice américaine évolue sur les licences open source

Steven Seidenberg nous apprends que « L’affaire Jacobsen contre Katzer aura des conséquences majeures sur le droit d’auteur aux États-Unis ».

Robert Jacobsen a écrit, grâce à la collaboration de nombreux contributeurs, et rendu disponible un code de logiciel sous Artistic Licence. Cette licence implique que ceux qui utilisent le code doivent mentionner l’auteur de la source originale et rendre disponible, à leur tour, les modifications apportées au code initial. Mais il semblerait que la compagnie de Matthew Katzer ait ignoré ces conditions lorsqu’elle a utilisé ce code pour développer leurs propres logiciels commerciaux.

Le tribunal fédéral Californien a refusé d’ordonner la mesure requise mais après appel, le tribunal fédéral américain en a décidé autrement.

M. Stuart Meyer, associé chez Fenwick & West, confirme que « Le jugement a donné de la légitimité à ces licences. Elles ne sont pas considérées comme des licences de seconde classe parce qu’elles permettent au public d’accéder aux œuvres […] Cela faisait très, très longtemps que nous attendions une décision juridique en matière de licences open source. À partir de maintenant, on y verra plus clair sur la manière de considérer ces licences non traditionnelles en droit d’auteur américain ».

Durée du droit d’auteur

Le projet de loi C-61 ne s’intéresse pas à un changement de durée sur le droit d’auteur. Au Canada, le droit d’auteur s’applique à une oeuvre jusqu’à 50 ans après la mort de l’auteur. En Europe, c’est 70 ans et aux États Unis, 95 ans depuis 1998, suite à un prolongement qui a été décidé sous la pression de Disney pour protéger ses films et… Mickey… Après ce délai, l’oeuvre devient du domaine public et tout le monde peut s’en servir.

L’écoute préalable est elle protégée par la loi ?

Je voulais profiter du sujet du droit d’auteur pour me questionner sur l’écoute préalable. J’ai toujours entendu deux discours différents sur la possibilité de mettre en ligne sans payer de droits d’auteurs des extraits de trente secondes comme disponibles sur certains sites (depuis bien longtemps sur amazon par ex) à savoir si c’est légal ou un mythe. Le livre de Jean-Robert Bisaillon nous apprend qu’un débat a eu lieu sur la valeur de la pré-écoute (écoute préalable : possibilité d’écouter gratuitement un extrait de moins de 30 secondes). La commission canadienne du droit d’auteur a cherché à savoir s’il fallait établir un tarif plus élevé pour un téléchargement ayant fait l’objet d’une écoute préalable. L’écoute d’extrait sans achat serait alors rétribué en partie.

D’après Jean-Robert, ce qui permettrait de démontrer qu’il est possible d’offrir un extrait sans que le diffuseur n’ai à payer de droit est le fait suivant : Lorsque l’on va chez son disquaire, si l’on écoute avant d’acheter, le disque n’est pas plus cher et les droits d’auteur ne sont pas rétribués. On applique alors la même chose sur internet.

Pour en savoir plus sur la loi du droit d’auteur au Canada, visitez le site du Ministère de la Justice

Un débat intéressant en France sur le blogue de Philippe Axel concernant la compatibilité entre la licence Creative Common et le contrat avec la SACEM

Sincever

Fondatrice de Zik'n'Blog.com et de musiQCnumeriQC.ca à la fois discrète, passionnée et rassembleuse, cette baladeuse numérique adore découvrir de nouvelles musiques et applications musicales. Par contre elle manque cruellement de temps et attend que la musique et les applis lui soient présentées, alors n'hésite pas à lui envoyer un petit message! Plus d'info sur elle via son twitter.com/sincever et son blogue perso : Sincever.com

4 commentaires sur “Le droit d’auteur au Canada et ailleurs

  1. Trop peu de personne sont au courant de ce projet… c’est pourquoi il y a peu de réactions…. Ou, les gens sont au courant et s’en fiche… ce qui serait vraiment triste…

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