Lead Orphans

lead.jpgA l’heure où certains se battent pour leurs droits financiers, d’autres se battent pour leur liberté de création, préférant, à l’image du groupe Lead Orphans militer pour « une véritable démarche de partage et de diffusion libre » de leur musique, dans le but de faire face à un système et à des organismes qui ne soutiennent que les majors et une partie infime d’artistes et de musique commerciale.

« Plus qu’un coup de gueule, ou un ras le bol, ceci est notre premier pas vers la véritable indépendance et la musique libre ». Groupe de rock/Indie, formé en 2005, Lead Orphans dégage un rock sensible, sous tension, mélodique et percutant. Le groupe était présent en 2007 aux Printemps de Bourges. Ils joueront le 1er août prochain au Festival de la Paille.

Plus que jamais, la survie des artistes passe aujourd’hui par les concerts. Sébastien, le chanteur du groupe a bien voulut répondre à quelques questions.

– Vous donnez votre album. C’est d’ailleurs stipulé dessus : « interdit à la vente ». Est-ce pour montrer qu’en matière de musique, le prix ne fait pas la qualité ? Commençons par mettre les choses au clair. Précisément il ne s’agit pas d’un album, nous donnons nos morceaux oui mais il s’agit d’un CD regroupant tous les titres que nous avons enregistrés entre 2006 et 2007 soit 7 morceaux. Il est stipulé dessus « interdit à la vente » car c’est un fait, le cd en question peut-être copié et distribué par n’importe qui mais seulement gratuitement. Et oui le prix ne fait pas la qualité, la gratuité non plus remarque, en tout cas on ne l’a jamais prétendu… !

– Alors ça veut dire quoi, que vous financez tout vous-même, uniquement au nom du plaisir du partage de la musique ? Oui pour le partage avant tout, pour montrer qu’il existe encore des gens qui font de la musique pour la musique, par passion et sans contraintes, aussi peut-être pour ébranler un petit peu les consciences de la masse avec nos propres armes et à notre échelle, le fait de « donner »  sans rien demander en retour ne fait pas partie des mœurs actuelles de notre très chère société de consommation, c’est notre façon a nous de jeter un pavé dans l’océan musical et commercial et si ça dérange et que ça fait réagir positivement ou négativement c’est tant mieux. En allant de l’avant dans ce sens on montre aux gens qu’il existe d’autres groupes que ceux qu’on veut bien leur proposer et qui se foutent de passer sur telle ou telle radio FM ou de se faire un maximum de tunes avec leur musique.

– Où puisez-vous vos influences ? Et quels sont les groupes qui vous ont influencés ? Nos influences sont nombreuses et variées et viennent de la musique rock, indie, punk, hardcore… Pour donner quelques noms de groupes je dirais at the drive-in, pearl jam, refused, led zep etc.…C’est très difficile de répondre à cette question qu’on nous pose a chaque fois, on est vite catalogué dans un registre en donnant quelques noms par une liste minimaliste alors que c’est impossible, de plus on écoute tous des centaines de groupes différents chacun les uns des autres…

– Comment faites-vous pour financer vos CD ? Avec les cachets de nos concerts (quand on en a…) et notre distro, parfois notre argent de poche et en donnant de notre temps, bref cela reste du DIY… Si tu fais le calcul cela ne revient pas très cher concrètement (sur Internet tu trouves 100 cds + 100 pochettes plastiques pour quinze euros, un massicot coûte 15 euros…), nous sommes aidés pour les frais d’envois par une association, pour le papier et les impressions on se débrouille… On est comme tout le monde, on cherche des idées et des solutions pour amener ces idées à se concrétiser, c’est tout.

– Comment s’est passé l’enregistrement et où avez-vous enregistré ? Notre premier enregistrement était surtout l’occasion de nous découvrir musicalement les uns les autres au bout d’un an de formation ensemble. Nous enregistrons tous nos morceaux « à la maison » au Kaktus Studio dans le jura chez notre batteur.

– Que pensez-vous de la loi Hadopi, et de toutes ces réflexions concernant les droits d’auteurs ? Je ne connais pas cette loi, on attend la prochaine loi Olivennes avec impatience en tout cas…

– N’est ce pas une injustice ? Alors que certains se battent pour s’en foutre plein les poches, d’autres peut être parce qu’ils sont dégoûtés par tout ce système, préfèrent, comme vous, jouer la gratuité. C’est quand même dégueulasse, pardonnez moi l’expression, même si dans votre cas, vous ne faîtes pas de la musique pour gagner de l’argent. Il y a une différence entre ceux qui font de la musique pour réussir et ceux qui essayent d’en vivre par passion. Ta réaction est compréhensible, mais justement pourquoi ne pas réagir à l’extrême par l’extrême ? Des groupes comme le notre n’ont rien à perdre, au contraire les gens s’intéressent à notre démarche, la comprennent et la soutiennent. Il faut savoir que ceux qui « se battent pour s’en foutre plein les poches » comme tu dis sont soutenus par les 5 majors qui occupent et représentent 5% des artistes/groupes dans ce pays, imagine que les 90% de groupes qui restent, ceux comme nous, adoptent la même démarche que nous ça foutrait un beau bordel et là je pense que cela ferait vraiment réfléchir tous ceux en haut de l’échelle, c’est utopique certes mais ce serait bien énorme…

– Comment voyez-vous l’avenir de la musique ? Il y a de plus en plus de groupes et de plus en plus de moyens d’accès pour les écouter (légalement et illégalement) ce qui laissera dans un futur proche de moins en moins de place pour le podium de la célébrité, alors je vous le demande, qu’allons nous devenir ?

– Que pensez-vous de ces artistes qui se battent pour leur droit d’auteur ? En général les « artistes » qui se battent pour leurs droits d’auteurs sont ceux qui sont déjà plein de fric et qui n’en ont plus besoin mais qui le font quand même pour toucher encore plus de fric ou pour se faire un coup de promo au passage.

– Y’a-t-il d’autres groupes dans votre cas ? Faites vous parti d’un collectif ? Des groupes et artistes qui proposent leur musique en téléchargement gratuit sous licences libres, il y en a des milliers en France, nous n’avons rien inventé, nous proposons juste l’envoi d’un cd en plus sur simple demande pour 2008. Nous ne faisons pas partie a proprement dit d’un collectif même si nos idées se rapprochent très fortement de celles d’associations telles que Dogmazic qui se bat depuis quelques années déjà pour la cause des musiques libres en proposant une réelle source d’informations accessible à tous ainsi que des milliers de morceaux sous CC à télécharger gratuitement.

– La SACEM, pour vous, qu’est ce que c’est ? Si nous étions inscrits à la SACEM nous ne pourrions pas faire ce que nous faisons justement. La SACEM est comme une grosse usine qui pour l’instant refuse la flexibilité alors certains employés commencent à se poser des questions et vont voir ailleurs ce qui se fait… Nous avons décidé de choisir une licence de libre diffusion creativ common : nos morceaux sont protégés et nous pouvons en faire ce que nous voulons. Le fait de ne pas être à la SACEM ne veut pas dire qu’on ne peut pas gagner d’argent avec sa musique ou vendre ses morceaux.

– Vivre de la musique, n’est donc pour vous point possible, sauf à faire des centaines de concerts. Vous avez un job à côté, comment arrivez vous à joindre les deux bouts ? La musique est une passion et c’est surtout notre seule façon de pouvoir nous exprimer pleinement et de partager notre liberté artistique. Nous sommes comme beaucoup de musiciens en France qui n’en vivent pas, certains d’entre nous on même plusieurs groupes, nous donnons de notre temps et de notre argent pour parvenir à la partager en live ou l’enregistrer, c’est une question de volonté et d’envie avant tout.

– Ca serait honteux pour vous de vivre de la musique ? Non, il se pourrait même que cela arrive…dans une prochaine vie.

– La télé est fermée aux découvertes. Les artistes qui passent dans les émissions se comptent sur les doigts. Qu’est ce qu’il faudrait pour que la culture soit libre et représentée ? Cela est-il possible ? La vraie culture est pourtant toujours présentée comme une alternative. (C’est mon point de vue). Oui je vois ce que tu veux dire…Mais qui sommes nous pour juger de ce qu’est la « vraie culture » comme tu l’appelles ? Certes peut-être ferons-nous toujours de la musique qui n’intéressera qu’une minorité de gens, des mélomanes, des musiciens ou des curieux etc.…Mais la source du problème n’est pas vraiment là ! Le problème c’est que tant que la majorité des gens ne choisira pas de sortir pour écouter les groupes qui passent à coté de chez eux plutôt que de rester plantés devant leur télé ça ne changera pas. Tant qu’ils ne prendront pas l’initiative d’aller chez un disquaire chercher un cd par curiosité plutôt que de dépenser 20 euros dans un autre signé chez une major et stocké à côté du rayon boucherie de leur grande surface préférée ça ne changera pas ! Et pourtant nous sommes bien là, les associations, les groupes et tous les artistes qui fourmillent par milliers dans ce pays et qui font effectivement partie de « l’alternative » comme tu l’appelles, cette culture libre qui émerge tout doucement et qui, dans un certain sens, s’il n’y avait pas de télévision ou toutes ces stars nationales d’un jour soutenues par les majors et les pubs, n’existerait peut-être pas…

Guigui

Ex directeur d'antenne adjoint sur NOIZY RADIO et animateur de l'émission CONTRE CULTURE.

3 commentaires sur “Lead Orphans

  1. Il y a aussi les artistes auto-produits qui font de la musique par passion mais qui aimeraient aussi en vivre pour pouvoir s’y consacrer sans vouloir faire des millions parce qu’avec un boulot à côté, le temps manque parfois…

    Un petit peu comme ce que Guigui dit avec la musique libre en téléchargement gratuit, faut-il faire des concerts gratuitement (pas de cachet pour l’artiste, pas de frais d’entrée pour le mélomane) ? Si on répond oui à cette question, pourquoi les salles payeraient les artistes s’il y en a des milliers prêts à jouer gratuitement ?

  2. Distribution gratuite d’un album ? faut voir le contexte…Si c’est pour le partage de la musique libre et blabla, autant faire aussi les concerts gratuits, donc apres faut etre riche. j’en deduit que pour donner un album faut avoir son propre studio ou etre un riche heritier…Alors comment vous faites Lead Oprhans ? Les musiciens sans le sou ne peuvent dire la meme chose que vous…

  3. salut Jeff, la reponse a ta question est dans l’interview…:)
    « – Comment faites-vous pour financer vos CD ? Avec les cachets de nos concerts (quand on en a…) et notre distro, parfois notre argent de poche et en donnant de notre temps, bref cela reste du DIY… Si tu fais le calcul cela ne revient pas très cher concrètement (sur Internet tu trouves 100 cds + 100 pochettes plastiques pour quinze euros, un massicot coûte 15 euros…), nous sommes aidés pour les frais d’envois par une association, pour le papier et les impressions on se débrouille… On est comme tout le monde, on cherche des idées et des solutions pour amener ces idées à se concrétiser, c’est tout. »
    sinon effectivement notre batteur est ingéson et a son propre studio ce qui est une chance…

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