Sara Lazarus, les standards renouvelés

Sara Lazarus, les standards renouvelés

Troisième découverte du Nice Jazz Festival 2005, l’américaine Sara Lazarus, héritière du swing

Sara Lazarus est une jeune femme aux allures de jeune fille. Sur la scène Matisse à Nice, près du jardin d’où remontent parfois les sonorités décalées d’un trip hop électrique, elle a un petit sourire malicieux et des yeux qui pétillent. Chose rare (et contraire à l’idée qu’on se fait parfois des chanteuses américaines), Sara se remarque d’abord par sa subtilité. La finesse et la justesse de sa voix sont exceptionnelles. Accompagnée de Alain Jean-Marie au piano, Gilles Naturel à la contrebasse et Andrea Michelutti à la batterie, elle pose son swing avec un charme pétillant. On ne s’étonnera donc pas qu’elle ait reçu en 1994 le prestigieux prix Thelonious Monk. Elle sort cette année son premier album « Give Me the Simple Life » chez Dreyfus Jazz. Rencontre avec une chanteuse d’une très grande gentillesse et parlant un excellent français.

Sara Lazarus bonsoir. Vous êtes américaine. D’où venez-vous précisément ?
Je suis née dans un petit état qui s’appelle le Delaware que même les américains ne connaissent pas. (rires) C’est entre New York et Washington, juste à côté de Philadelphie. J’ai fait mes études près de Boston et je suis basée en France depuis 20 ans.

Qu’est-ce qui vous a poussée à venir en France ?
Je venais de terminer mes études d’université. Je chantais déjà aux Etats-Unis mais ça n’était pas une activité à plein temps. J’étais déjà attirée par la France, par sa culture et son élégance. Je pensais passer juste un été à Paris, c’était un petit rêve, et le destin a fait que, très facilement, j’ai pu rester. Et comme j’étais bien, je ne suis jamais partie ! Je trouvais qu’il y avait beaucoup d’endroits pour pratiquer la musique. A l’époque, le jazz était très populaire.

Et est-ce que vous trouvez qu’à Paris les choses ont changé ?
Oui, je pense. Quand je suis arrivée, il y avait beaucoup de clubs. J’ai fait des tournées dans des petits endroits, en Bretagne – les Bretons étaient super ! Mais je pense que la mode a changé, c’est plus orienté vers la world music ou d’autres sortes de musiques. Il y a quand même encore beaucoup de festivals de jazz en France, plus je pense qu’aux Etats-Unis.

Sur scène, vous chantez un extrait de comédie musicale.
Quand j’étais petite, je n’écoutais jamais les choses que mes camarades de classe écoutaient, j’aimais bien les comédies musicales. Je crois que je suis une romantique. Je regardais les films à la télé et j’écoutais les disques que ma mère avait. C’est comme ça que j’ai commencé à jouer chez moi car dans le Delaware, il n’y a pas beaucoup de choses à faire. J’aimais beaucoup Barbra Streisand, Judy Garland, c’était un peu ringard. (rires) Ca m’a beaucoup nourrie, j’ai appris beaucoup de standards. C’est juste en faisant du saxophone à l’école que j’ai commencé à m’ouvrir vers le jazz. Il y avait un bon programme de jazz à l’école publique. Le directeur de musique pour toute la région était un ancien saxophoniste lui-même donc il a beaucoup insisté pour qu’il y ait du jazz à l’école à partir du lycée. Même à partir du collège, il y avait des cours de musique où l’on faisait un « band » et dans l’orchestre de jazz du lycée, il y avait un garçon mignon. Alors je me suis dit : « je vais faire du jazz aussi » (rires)

Vous avez continué le saxophone ?
J’ai joué jusqu’à l’université et puis j’ai arrêté. Je jouais du sax ténor mais j’ai de petites mains et j’étais arrivé à un plateau où je pense qu’il m’aurait fallu beaucoup de travail pour avancer. Et je préférais m’exprimer avec la voix, c’était beaucoup plus naturel. Je n’improvisais pas trop au saxophone mais je m’éclatais au pupitre. On faisait un truc qui s’appelait « super sax ». C’était une section de cuivres d’un big band qui avait repris les solos de Charlie Parker et qui les avait harmonisés pour les 5 saxes. Je suis sûre que ça m’a beaucoup aidée pour intégrer le be-bop.

Vous venez de sortir votre premier disque. L’envie est venue comment ?
Maintenant tout le monde fait un disque tout de suite mais comme toutes mes grandes influences étaient Sarah Vaughan, Carmen McRae, Betty Carter, Shirley Horn, j’attendais de mûrir avant de me lancer. Puis j’ai rencontré un producteur, Christian Pégand, et les gens de chez Dreyfus et l’album est sorti en mars dernier.

Comment avez-vous sélectionné les compositions ?
Quand j’y réfléchissais, je devenais très nostalgique, je pensais à mes débuts que je vous ai racontés. Du coup, j’ai sélectionné 2 compositions qui étaient sur le premier disque vocal que j’ai eu : « It’s crazy » et « September song » qui étaient sur un disque de Sarah Vaughan que j’ai beaucoup écouté et que j’adore toujours. D’autres morceaux, c’était simplement parce qu’ils me touchent beaucoup et d’autres parce qu’ils étaient déjà dans le répertoire de l’orchestre.

Vous avez enregistré ce disque avec les musiciens qui vous accompagnaient ce soir ?
Oui. On se connaît bien : avec Alain et Gilles, l’année prochaine ça fera 10 ans et avec Andrea 5 ans. Il y a eu aussi quelques invités. A la guitare, Biréli Lagrène et un batteur que j’admirais depuis longtemps, Winard Harper qui a joué avec Betty Carter pendant 5 ans.  Elle est un peu moins connue mais j’adorais Betty Carter, c’était une grande improvisatrice.

Et comment s’est passé la rencontre avec Biréli Lagrène ?
C’était l’idée de mon producteur parce qu’il travaille avec lui. C’était un beau cadeau parce qu’il a une énergie étonnante et une force à la guitare. Il fait des choses que personne ne sait faire. J’étais vraiment éblouie.

Pour vous, que représente le fait d’être programmée dans ce festival de Nice ?
C’est vraiment un grand honneur. Je suis très émue à vrai dire. De tous les festivals, c’est le plus connu aux Etats-Unis. J’ai plein de disque live comme Ella Fitzgerald Live à Nice. C’est vraiment un mythe.

C’est votre première fois ?
C’est-à-dire je suis venue il y a 20 ans. J’ai eu la chance de rencontrer à l’université un saxophoniste ténor, Illinois Jacquet. Quand je lui ai dit que je passais l’été à Paris, il m’a invitée à chanter quelques morceaux avec son big band. Mais aujourd’hui c’est quand même la vraie première fois. En fait, la première chose que j’ai faite en arrivant en France, c’était venir voir le festival de Nice. J’ai pris le train et je ne savais pas qu’il fallait réserver. Je suis restée debout dans la chaleur. C’était 8 heures à l’époque (rires) mais ça valait le coup !

Qu’avez-vous pensé du fait de jouer sur la scène Matisse ?
C’est une particularité. On m’a dit c’est comme ça ici, il faut faire avec. J’aime beaucoup les ballades. Déjà dehors, c’est pas facile mais quand il y a une autre scène dont on entend la musique, il faut vraiment rester dans son histoire. Donc j’ai juste écourté les solos d’une des ballades. Mais à part ça c’était très sympa.

Moi, en tout cas, j’ai beaucoup aimé.
C’est gentil. Je continue à travailler. C’est ça qui est bien avec le jazz, c’est qu’on peut toujours aller plus loin.

Merci beaucoup Sara.

Sara Lazarus sur le site de Christian Pégand Productions

Eric_M

En amateur de musique, Eric Maïolino est auteur-compositeur-interprète, joue de la guitare, pratique le théâtre et assiste à des concerts! (toutes ses chroniques ici)

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