Main basse sur la musique – Enquête sur la Sacem

Main basse sur la musique – Enquête sur la Sacem

Irène Inschauspé, journaliste au Point et Rémy Godeau, journaliste économique au Figaro sont les auteurs d’une enquête sur la Sacem, intitulée « Main basse sur la musique ». Avec un titre si alléchant, il aurait été fort dommage de ne pas s’y intéresser, d’autant plus que les ouvrages sur la Sacem ne sont guère nombreux. En effet, beaucoup sont des ouvrages techniques Il n’a pas été facile pour les auteurs de rédiger cette enquête tant les difficultés pour obtenir des informations précises ont été grandes. Le but est avant tout de mettre au grand jour quelques uns des nombreux secrets entourant la Sacem.

MAIN BASSE SUR LA MUSIQUE
Enquête sur la Sacem

Par Irène Inchauspé et Rémy Godeau
Editions Calmann_Lévy, 2003

Main basse sur la musique

La Sacem signifie Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique. Il faut comprendre le mot Auteur celui qui écrit les paroles, Compositeur celui qui fait la musique et Editeur celui qui édite. Créée en 1850, il s’agit d’une entreprise privée chargée d’une mission de service public. Elle a été dirigée pendant quarante ans par Jean-Loup TOURNIER.

La Sacem a pour mission la gestion collective des oeuvres des Auteurs-compositeurs. Elle a le monopole du contrôle de l’exploitation de l’œuvre. Elle collecte plus de 60% des droits d’auteur et les répartit. En France, la Sacem n’a pas de concurrence et l’Etat ne s’est jamais impliqué. Seules les sociétés d’auteurs aux Etats-Unis coexistent (ASCAP et BMI). En 2001, une commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition est créée.

La Sacem a toujours été et est toujours entourée de mystères. Jean-Loup TOURNIER en est le personnage clef. Son successeur depuis 2001, Bernard MIYET, est plus ouvert et a accepté de répondre aux questions des deux journalistes ainsi que Jack LANG, ce qui n’a pas été le cas de Jean-Loup TOURNIER et des sociétaires, à savoir les auteurs, compositeurs et éditeurs tels que Jean-Jacques Goldman, Mylène Farmer, Francis Cabrel et bien d’autres.

L’avant-propos présente les principales difficultés rencontrées par les journalistes lors de leur enquête. La Sacem et Jean-Loup Tournier souhaitaient garder secret bon nombre d’informations afin de mieux la contrôler. Même l’Etat n’avait pas de droit de regard sur la Sacem depuis sa création. Le changement s’opère peu à peu depuis 2001.

Le livre est donc constitué d’un avant-propos et de treize chapitres dans lesquels on découvre entre autres les paradis fiscaux cachés derrière le boléro de RAVEL, le combat de quatorze années entre la Sacem et les discothèques, la spoliation plus ou moins évidente des auteurs juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale, le mystère entourant l’histoire de Rolf Marbot, éditeur de chansons pétainistes comme « Maréchal, nous voilà! » mais aussi l’histoire de Jean-loup Tournier et de sa famille, du fonctionnement de la Sacem et des sociétés de droits d’auteur ainsi que de la menace pesante que constitue Internet.

LE BOLERO DE RAVEL : UNE HISTOIRE A DORMIR DEBOUT

Maurice RAVEL est né à Ciboure, au Pays Basque en 1875 et décédé en 1937. Il compose en 1928 le Boléro. Ses oeuvres rapportent chaque année environ 1.5 millions d’euros de droits d’auteur. A qui ? A un ancien directeur juridique de la Sacem, Jean-Jacques Lemoine, parti en 1969. Comment ? Par des comptes anonymes dans des paradis fiscaux tels que Monaco, Gibraltar, Amsterdam, les Antilles néerlandaises et les Iles Vierges Britanniques. C’est une bataille juridique qui a duré pendant dix ans. En attendant, les droits d’auteur étaient bloqués à la Sacem.
Jean-Jacques Lemoine a donc créé une société aux Nouvelles-Hébrides, appelée ARIMA (Artists Rights International Management Agency) qui devient la société éditrice des principales oeuvres de Ravel. Elle s’est expatriée et elle est aujourd’hui installée à Gibraltar car l’exemption fiscale est de 25 ans. Les oeuvres de Maurice Ravel ne tomberont dans le domaine public qu’en 2015. Il faut savoir que depuis 1970, le boléro a rapporté plus de 46 millions d’euros et tout ce pillage s’est fait sous les yeux de la Sacem, « consentante et silencieuse ». Si la Sacem intervenait, le catalogue risquerait de s’expatrier aux Etats-Unis.

COMBAT ENTRE LES DISCOTHEQUES ET LA SACEM

En 1978 débute le conflit opposant les boîtes de nuit à la SACEM. Les discothèques reversent alors 8,5% de leurs recettes. Jean Castel est à l’origine des différents procès qui vont être tous perdus dans un premier temps car le droit européen sur la concurrence reste extrêmement flou. A noter qu’à l’époque, les discothèques rapportent 21 millions d’euros par an à la Sacem. En effet, la base de la redevance perçue par la SACEM est le chiffre d’affaires des boîtes de nuit.
En 1984, une première bataille est gagnée par la SACEM qui peut désormais contrôler les recettes. En 1989, la seconde bataille intervient directement devant la Cour de justice européenne au Luxembourg. Résultat: la preuve est faite que la SACEM est bien en position dominante. En effet, elle fixe le pourcentage des redevances car il n’y a pas de concurrence en France. La SACEM doit donc impérativement justifier ses tarifs. De plus en plus de procès sont alors gagnés, grâce notamment au rapport d’enquête effectué en novembre 1991 par la Commission de Bruxelles. Elle démontre qu’en France, les discothèques paient 15 fois plus qu’en Allemagne, 8 fois plus qu’au Royaume-Uni et 4 fois plus qu’en Espagne mais les tarifs restent proches de ceux pratiqués en Italie.

En 1992, le taux de redevance est baissé. Il passe de 8,5% à 4,6% pour les discothèques non contestataires et à 5,8% pour les autres. Mais la contestation continue. Et le 20 avril 1993 le Conseil de la Concurrence donne un avis défavorable sur les tarifs de la SACEM. Ont lieu alors des négociations entre Jean Loup TOURNIER et Patrick MALVAES, dirigeant de la SNDL (Syndicat National des Discothèques) ainsi que Jacques TOUBON. Et le taux de redevance baisse à 4,3% pour toutes les boîtes de nuit. Un combat juridique de plus de quatorze ans pour un taux de redevance de 4,3%

SPOLIATION DES AUTEURS JUIFS PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE?

La polémique sur les droits des auteurs juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale est lancée au printemps 1999 par une campagne de presse tonitruante. La Mission Matteoli, déjà créée deux ans auparavant par Alain Juppé va se charger du débat. Le rapport final contient plus de 3000 pages, principalement fait par Yannick SIMON, un musicologue.

Ce qui ressort avant tout, c’est que la Sacem était xénophobe avant la Seconde Guerre Mondiale. Elle refusait déjà les candidats étrangers. Mais le début des problèmes pour les sociétaire juifs se situe à partir de 1941 et plus précisément par une circulaire dans laquelle est écrite entre autres que chaque membre doit se déclarer aryen ou juif car les droits d’auteur des « non-Aryens » seront versés sur des comptes bloqués et « toute fausse déclaration pourrait entraîner, pour le signataire, l’internement dans un camp de concentration ». La suite, on la connaît. L’affaire est toujours plus ou moins en suspend.

PRESENTATION ET FONCTIONNEMENT DE LA SACEM

Depuis 1976, le siège de la Sacem se situe à Neuilly-sur-Seine. 765 salariés y travaillent sur un total de 1530 employés. Son travail consiste à collecter auprès des différents diffuseurs de musique les droits d’auteur des oeuvres inscrites au répertoire et de les répartir (8 millions de partitions et de paroles enregistrées). La Sacem collecte 60 % de tous les droits d’auteur (tous secteurs confondus), soit plus de 600 millions d’euros.

Plus du tiers des droits sont perçus auprès des médias audiovisuels, des télévisions et des radios, des concerts symphoniques et des tournées, y compris les sketches. Ajoutez à cela les discothèques, les bars, les restaurants, les cafés, les parcs de loisirs, les cirques et autres lieux sonorisés ainsi que les redevances sur les recettes des cinémas et les droits de l’étranger avec notamment ses contrats de réciprocité, appelés droits d’exécution publique. La Sacem prélève auprès des exploitants de cinéma entre 1.5 % et 2% des recettes en salle.

Puis, il y a le droit de reproduction mécanique par la SDRM (Société pour l’administration du Droit de Reproduction Mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs) qui est une filiale de la Sacem. Cela concerne les pressages sur vinyles, CDS… et inclus notamment les DVD et autres produits multimédia. C’est une seconde source de revenus pour les auteurs.

Pour être sociétaire, il faut avoir écrit ou composé cinq oeuvres originales dont l’une a été exploitée un minimum (disque, cassette, diffusion publique). A partir du moment où le sociétaire apporte ses oeuvres à la Sacem, il lui cède à titre exclusif l’administration de ses droits.

Le mode de calcul des droits est très complexe. Il se fait en fonction du « service rendu » par la musique. Quand le service rendu est important, la perception des droits est proportionnelle au chiffre d’affaires (cf télévisions, discothèques, radios). C’est différent quand le service rendu est moins évident; c’est alors une somme annuelle forfaitaire (cf restaurants, fêtes, bals …).

Les droits sont collectés par des agents collecteurs bien organisés. Ils sont assermentés, contrairement aux distributeurs, et sont agréés par le Ministère de la Culture. Le plus difficile pour eux, c’est de faire payer les petits utilisateurs.

250 personnes travaillent dans le service de répartition des droits d’auteur. Cette dernière est très détaillée. Le versement des droits d’auteur s’effectue au début de chaque trimestre civil.

Dans cet ouvrage, les composantes financières obscures de la Sacem sont également mises en avant ainsi que l’histoire de Jean-Loup Tournier et de son salaire mirobolant. Il est important de savoir que sans l’utilisation de revenus financiers (intérêts perçus sur les droits des auteurs), la Sacem serait probablement déficitaire car ses frais de fonctionnement sont très élevés, notamment les frais de personnel qui représentent 65.7% du total des charges de la Sacem. Depuis l’arrivée de MIYET en 2001, cela change progressivement même si le fonctionnement de la Sacem reste encore très opaque.

De même, vous pouvez faire connaissance avec l’histoire précise de la Sacem et du droit d’auteur, décrite par les auteurs sur un air de romance policière…

CATALOGUE ET INTERNET

Dans la dernière partie de l’enquête, les auteurs nous font part du mécontentement des artistes, du business, de la télé-réalité et UNIVERSAL MUSIC, la grande gagnante. On apprend aussi que pour les auteurs, compositeurs, la durée d’exploitation commerciale est de 70 ans après leur mort. Pour les interprètes et producteurs, c’est 50 ans à compter du 1er janvier de l’année suivant la première publication du disque. Après, il n’y a pas de contrepartie financière.

Le catalogue reste donc primordial. Le meilleur exemple reste le business catalogue de Jean-Jacques Goldman. La « guerre » est toujours omniprésente entre les majors et la SACEM à ce sujet. De plus, Internet n’arrange en rien la collecte et la perception des droits d’auteur, de par l’émergence de systèmes comme Napster ou Kazaa. Dur Dur d’être la Sacem…

Cette enquête sur la Sacem est très intéressante même si parfois c’est un peu fouillis dans ses explications tant les informations sont abondantes. Le choix des noms des chapitres n’aide pas à s’y retrouver. « Main basse sur la musique » est un livre facile à lire, court, contenant seulement 239 pages.

EDIT : Mise à jour de l’article le 4 juin 2008

Virginie Guiberteau

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4 commentaires sur “Main basse sur la musique – Enquête sur la Sacem

  1. j’ai travaillé pour Monsieur Lemoine il faut le connaître pour en parler, c’est quelqu’un de Formidable….Si quelqu’un veut bien m’entendre

  2. Bonjour Monsieur Parent. Je vous invite à indiquer ici-même ce qui devrait être dit ou démenti selon vous par rapport à ce livre sur Monsieur Lemoine.

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