Jazz me blues par François Postif : Libres paroles

Jazz me blues par François Postif : Libres paroles

Les meilleurs artistes de la musique noire ont accepté de confier leurs visions et leurs rêves, leurs doutes et leurs colères à François Postif. Paroles de vie, paroles de créateurs, paroles d’hommes sur trente années si fécondes pour la musique improvisée.

Paroles libres… De toute façon, après les festivités, deux ou trois boutons vont sûrement sauter. Alors prolongez l’aisance. Dégrafez le portefeuille et offrez-vous un petit retour vers le passé en cinquante-cinq interviews de la crème de la musique improvisée, assortis d’autant de photos.

Le préposé aux interrogatoires s’appelle Postif, François de son prénom. Journaliste. Trente ou quarante ans de carrière, spécialité : jazz. Autant dire que ses questions fusent et qu’il ne se gêne pas pour tirer les vers du nez aux écorchés de génie qu’il a en face. Un méticuleux comme on les aime.

La compil d’interviews, soigneusement revue et augmentée de notes contextuelles précieuses, s’étale entre 1958 et 1988. Elle traverse trente ans de musique débridée, du Big Band à la Fusion, en passant par le Bop et le Free. Postif a coincé pour la préface Laurent de Wilde, un petit frenchy du jazz qui compte dans la musique d’aujourd’hui. Le compère préfacier résume très simplement ces libres paroles : « Ce livre fourmille de vie ».

Ce n’est assurément pas de la théorie et vous ne trouverez pas, à longueur de pages, de subtiles réflexions sur les différents modes de composition. Les excités du bulbe un peu sur leur faim pourront toujours contacter Outre Mesure, l’éditeur. Il fait aussi de bonnes bibles bien solides, bien charpentées pour les apprentis instrumentistes et les compositeurs en graine ou épanouis.

Les créateurs, que Postif met en confiance, voyagent de leur vie musicale à leur vie tout court avec simplicité et franchise. Bien souvent, ils gauchissent avec bonheur l’image qu’on leur avait collée par commodité ou ignorance. Et il y en a pour tous les goûts : le mélancolique (Prez), l’intello (Jarret), le pince-sans-rire (Monk), l’accrocheur (Freddie King), le rigoureux (Coltrane)…

Chacun d’eux connaît sa communauté, la nourrit et la respecte. Chacun a tracé son sillage seul, délibérément seul, même si blues et gospels les ont tous inspirés. Les barreaux pour eux, c’est l’inévitable ennemi. Tout ou tard, ils s’y heurtent, et le racisme ou le sectarisme des petits-maîtres de musique prêchant le rabâchage ne les épargnent pas, sans compter le diable qu’ils tirent régulièrement par la queue.

Bien sûr, vous découvrirez ou redécouvrirez les moments déterminants de chacun, ses influences et ses musiciens préférés, ou son approche de l’instrument. Mais surtout l’homme qui nous parle, en marche dans une nuit qu’il veut éclairer par lui-même. Ses doutes et sa fulgurance nous rappellent combien la musique est difficile et hasardeuse. Combien elle est aussi une chance et un soutien pour celui qui peut l’aimer et la nourrir. C’est la mesure humaine de l’art, qui nous unit à tous les musiciens passés et présent pour nous donner envie de les écouter de nouveau.

Deux petits bémols. Nous aurions bien vu dans la liste quelques français qui ont laissé leur empreinte, comme Martial Solal ou Stéphane Grappelli, ou encore Michel Portal. Et les photos de Jean-Pierre Leloir manquent peut-être un peu de sueur, même si leur noir et blanc est très seyant.

Ceci dit, au risque de me répéter, n’hésitez pas à soulager votre porte-monnaie, vous n’en serez que plus riches.

Cet article a été rédigé pour le site Sincever par le rédacteur Ave

Rédactrice/Rédacteur Invité(e)

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